Appel d’urgence des évêques haïtiens

La conférence épiscopale haïtienne adresse à l’AED un communiqué alarmant pour ce 7 février, date de l’investiture du nouveau président Fritz Jean. Il devrait succéder à Jovenel Moïse, assassiné dans la nuit du 6 au 7 juillet 2021, et les évêques craignent qu’en raison de l’absence de consensus autour du nouveau chef de l’État investit, la journée ne soit marquée par des violences.

Un nouveau président, Fritz Jean doit être investit ce 7 février 2022, mais en raison des grandes tensions politiques qui secouent le pays, cette investiture risque de ne pas résoudre les problèmes politiques du pays.

« Nous devons tout faire pour rétablir l’ordre », enjoignent les évêques d’Haïti aux différents chefs temporels et religieux, car ils constatent que le pays est « au bord de l’abime ». Ils s’adressent aussi aux groupes armés, et spécifiquement aux kidnappeurs qui « dans une complète impunité diffusent la violence, la peur, la mort, le deuil, la désolation et le désespoir (…) Qu’ils déposent les armes, renoncent à la violence et aux enlèvements, et qu’ils cessent de répandre le sang de leurs sœurs et frères ».

L’appel des évêques ci-dessous :

APPEL URGENT DES ÉVÉQUES CATHOLIQUES D’HAITI AUX ACTEURS POLITIQUES DU MOMENT :

1. L’heure que nous vivons est extrêmement grave et particulièrement décisive à ce tournant irréversible de notre histoire. Ce qui est en jeu, c’est notre présent et notre avenir, et donc notre existence même comme Peuple, comme Nation, comme Etat. Il nous faut donc prendre les décisions courageuses qui s’imposent.

2. Oui, notre Chère Haïti traverse une étape difficile de son histoire. Qui va enfin arrêter sa descente aux enfers ? Le peuple Haïtien n’en peut vraiment plus. Il est fatigué, exténué, épuisé. Il en a assez de vivre dans des conditions de vie totalement aliénantes, humiliantes, inhumaines, déshumanisantes.

3. L’heure n’est plus à la division, à la désunion, au désaccord, à la discorde, aux luttes fratricides pour le pouvoir et à la recherche effrénée et éhontée d’intérêts personnels égoïstes et mesquins.

4. L’heure est à l’unité, à l’union qui fait la force, à la mise en commun de nos idées et de nos efforts, au consensus national et patriotique pour sortir définitivement notre pays de la crise profonde qui perdure depuis bien trop longtemps et qui menace sérieusement son existence même.

5. Il est temps de sortir de notre indifférence, de notre torpeur, de nos peurs les uns des autres. Il est temps de nous ressaisir dans un sursaut moral, patriotique et citoyen, avant qu’il ne soit trop tard.

6. Face à la situation dramatique dans laquelle est plongé notre cher pays, nous, les Évêques Catholiques d’HAITI, adressons une fois de plus un appel urgent à tous les protagonistes qui sont sur la scène sociopolitique pour qu’ils trouvent ensemble un consensus le plus large possible pouvant conduire à une sortie définitive de la crise, en vue de la reconquête de notre souveraineté et du relèvement d’HAITI.

7. Nous invitons et encourageons tous les secteurs et tous les acteurs sociaux, économiques et politiques de la vie nationale à renoncer résolument à leurs privilèges afin de sauver le bien commun et préserver l’intégrité de la Patrie en danger. Nous les exhortons instamment à travailler ensemble, en synergie, en vue de construire un avenir solide et radieux pour HAITI et ses filles et fils.

8. Haïtiennes et Haïtiens, nous devons conjuguer toutes nos forces, nos énergies, nos intelligences, nos ressources et travailler ensemble pour que le 7 Février soit un jour de dialogue, de consensus et de compromis historiques visant l’unité de notre peuple, la sauvegarde et la transformation de notre pays qui se trouve au bord de l’abîme. Haïtiennes et Haïtiens, mettons le bien suprême de la Nation au-dessus de tout autre intérêt personnel pour éviter que notre pays ne sombre dans le chaos le plus total.

9. Nous faisons appel à la conscience et au sens de responsabilité de nos dirigeants afin qu’ils mettent tout en œuvre pour que l’ordre, la paix, la sécurité et le respect des vies et des biens soient largement rétablis et consolidés. Ainsi prévaudront enfin dans notre pays le droit et la justice.

10. Aux groupes armés et aux kidnappeurs qui sèment en toute impunité la violence, la peur, la mort, le deuil, la désolation, la détresse et le désespoir dans les familles haïtiennes, nous demandons de déposer les armes, de renoncer à la violence, au kidnapping et de cesser de faire couler le sang de leurs sœurs et frères.

11. À ce carrefour particulièrement dangereux et inquiétant de notre histoire, nous prions afin que Dieu nous vienne en aide pour nous épargner le pire. Que Maman Marie, Notre-Dame du Perpétuel Secours, intervienne par la toute-puissance de son intercession pour libérer HAITI de toutes les maladies qui la rongent !

Donné à Lilavois, au siège de la CEH, le 2 février 2022.