Situé aux frontières du Niger et du Mali, le Burkina Faso est soumis comme ses voisins à la pression des groupes djihadistes. Pourtant, il fait figure d’oasis de tolérance entre communautés religieuses. Entretien avec Mgr Raphaël Dabiré, évêque de Diébougou, au sud-ouest du pays, et président de la Commission épiscopale pour le clergé.

AED : Quelles relations les communautés religieuses entretiennent-elles au Burkina Faso ?

Mgr Raphaël Dabiré : Notre pays a une tradition de tolérance que nous entretenons de notre mieux. Je suis régulièrement invité aux célébrations religieuses des autres communautés. Par exemple, lors de la dernière fête du Ramadan, je me suis rendu à un lieu de prières musulman, à leur invitation. Je n’assiste pas au sacrifice du mouton, mais je me réjouis avec eux et leur souhaite une bonne fête. De la même façon, les imams et les chefs coutumiers sont invités à la messe, lors des grandes occasions, et ils assistent à une partie de la célébration, partant généralement au moment du sermon.

Ces actes de présences symboliques s’accompagnent de petites attentions qui participent à la fraternité entre nous. Lors du décès d’un prêtre, pour donner un autre exemple, les imams ne manquent jamais de me présenter leurs condoléances.

Comment expliquez-vous cette bonne entente globale entre les communautés, alors que le Sahel est secoué par les conflits ethniques et religieux ?

Notre pays a une solide tradition de tolérance et de bonne entente entre les communautés. Dans pratiquement toutes les familles, on trouve des musulmans, des chrétiens et des animistes. Tout le monde l’admet.

Cette proximité nous permet d’aborder la religion de l’autre sans tabou, et même à oser l’ironie. Je crois que la bonne entente entre les communautés, dans mon pays, s’explique pour beaucoup par ce que l’on appelle la parenté à plaisanterie. Cela consiste à s’autoriser à railler la religion de l’autre, à condition d’accepter qu’il fasse de même pour la mienne.

Le Burkina Faso n’a-t-il aucun problème de relations entre les communautés ?

Malheureusement non. La capitale de notre pays a été frappée par des terroristes en mars dernier, qui ont fait une trentaine de morts. Les forces de l’ordre sont régulièrement attaquées par des groupes djihadistes, qui emploient des mines antipersonnel et tendent des embuscades. La lâcheté et la violence de ces exactions nous affectent évidemment beaucoup.

Mais ces attaques ont l’air d’être organisées de l’extérieur du pays, par des groupes venant du Niger ou du Mali. Les Burkinabés ne sont-ils pas eux même tentés par le djihadisme ?

Nous ne savons pas tout, il y a certainement des Burkinabés isolés qui participent à ces actions, mais globalement notre société résiste à ceux qui voudraient la diviser.

Il y a trois semaines, un groupe d’individus a cassé la statue de la Vierge d’une église, ainsi que 4 autres statues. Ils ont laissé un message énigmatique, qui laissait entendre que des chrétiens ne devaient pas adorer des statues. Lors de la messe de réparation, j’ai demandé à mes paroissiens de ne pas en tirer des conclusions hâtives. C’est à la justice de faire son travail. Cette profanation est un acte isolé, heureusement, et j’espère que cela restera ainsi.

Le Burkina Faso est considéré comme l’un des pays les plus pauvres au monde. Est-ce que vous voyez la situation évoluer ?

J’ai le sentiment que la situation économique stagne, et je crains, qu’une fois de plus, les actions des terroristes y soient pour beaucoup. Ils découragent les investisseurs qui s’intéressent à notre pays. Le chômage des jeunes en particulier, est un grand sujet de préoccupation.

Cette mauvaise conjoncture menace la stabilité de tout le pays. L’opposition à l’actuel président Kaboré, qui est catholique et a été élu en 2015, joue sur cette instabilité pour remettre en cause son gouvernement. Mais il faut préciser qu’il n’y a pas de conflit religieux derrière cette agitation, il y a d’ailleurs des chrétiens dans l’opposition.

Comment se porte l’Eglise dans votre pays ?

Notre communauté se montre fervente. Elle remplit les églises du samedi au dimanche soir. Nous avons une liturgie très vivante. Les vocations sacerdotales ne manquent pas, ainsi que les demandes de baptêmes. Mais nous devons demeurer vigilant, et accompagner cette ferveur. Nous avons besoin de plus de catéchistes, de davantage de moyens pour accompagner les séminaristes.

C’est un travail indispensable, sans lequel la foi demeure fragile. On voit par exemple dans des villages des chrétiens se retourner vers le paganisme, quand ils sont confrontés à une difficulté. C’est un défi auquel il faut répondre par la formation.

 

 

 

 

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