Depuis 2016, les troubles se sont aggravées au Cameroun, lorsque la communauté anglophone a commencé à exiger un retour au système fédéral. Des affrontements violents ont éclaté entre les autorités centrales et les partisans de la République autoproclamée d’Ambazonie (ou République fédérale du Sud Cameroun). L’armée n’a pas hésité à faire usage de la force : plus de 500 personnes sont mortes, 200 000 ont dû fuir.

Mgr Michael Bibi, évêque auxiliaire de Bamenda, en zone anglophone du nord-ouest du Cameroun, très touchée par ce conflit, a accepté de répondre aux questions de l’AED (partie 1/2)Comment cette crise a-t-elle débuté ?

Mgr Michael Bibi : La crise a débuté en 2016 lorsque les avocats des régions anglophones ont demandé que la loi OHADA soit traduite du français en anglais, afin que tout le monde puisse la comprendre correctement. Par la suite, des manifestations ont été organisées, toujours pacifiques, mais des soldats ont systématiquement été envoyés pour les empêcher. Les avocats ont organisé un boycott pour que les affaires soient plaidées en anglais et non pas en français.

En novembre de la même année, les enseignants ont appelé à une grève afin de réclamer des enseignants anglophones dans les régions anglophones. Ces revendications ont également fait l’objet d’une répression et sont, en fait, la cause principale du problème actuel.

Certains médias parlent d’une menace de guerre civile au Cameroun. Qu’en pensez-vous ?

La situation est très grave. Depuis le début, en 2016, la question a dégénéré et s’est aggravée. Ne concernant au départ que la traduction de documents, le transfert des enseignants et le rétablissement du système éducatif anglais, la revendication est passée à une demande de Fédération de deux États, et enfin, de sécession du Cameroun anglophone. Depuis février 2018, il y a eu de nombreux morts parmi les soldats et parmi ceux qui défendent la cause anglophone. Nous traversons une situation de grande insécurité, et si les choses ne sont pas résolues le plus tôt possible, nous courrons au désastre.

Les récentes élections présidentielles auront-elles un effet sur la crise ?

Le Président peut résoudre ce problème s’il décide de rassembler les gens et de parler avec eux. Jusqu’à présent, le gouvernement a toujours envoyé des fonctionnaires et cela n’a pas servi à résoudre le problème. Je pense que le silence du Président a été l’une des raisons pour lesquelles les gens se sont radicalisés. S’il sort et parle à tous les Camerounais comme s’ils étaient ses enfants, je suis sûr que ces derniers écouteront. Nous avons besoin d’un dialogue franc et sincère pour résoudre le problème et cela exige de l’humilité de part et d’autre.

Quid de la sécurité en région anglophone ?

Presque tous les jours dans la région anglophone et, surtout à Bamenda, la ville d’où je viens, des coups de feu sont tirés, que ce soit par l’armée ou par ceux qui se font appeler les « Amba-Boys », les combattants séparatistes de l’Ambazonie. L’insécurité règne dans la région. C’est la raison pour laquelle aucune élection n’a pu avoir lieu dans certaines zones, et dans d’autres, seulement quelques personnes ont voté, protégées par une forte présence militaire. Oui, il y a vraiment de l’insécurité dans la région ! Près de 95% des électeurs des deux régions n’ont pas pu voter à cause de l’insécurité.

Comment le travail pastoral de l’Église est-il influencé par la crise ?

Dans les deux régions, les déplacements sont difficiles. Dans la région du nord-ouest, les routes sont constamment bloquées par les Amba-Boy. Il y a des ponts détruits et des arbres qui barrent les routes et qui entravent considérablement le trafic. Certains jours, les routes sont ouvertes et d’autres jours, elles sont barrées. Tout cela rend très difficile les déplacements d’un endroit à un autre, et cette situation affecte énormément le travail pastoral, car la plupart des curés ne peuvent pas circuler entre leur résidence et les chapelles dont ils ont la charge. Il est également très difficile pour les évêques de faire leurs visites pastorales depuis juin. La semaine pastorale de l’archidiocèse qui devait avoir lieu dans les prochains jours a été annulée parce que les gens ne pouvaient pas se rendre en ville. Il en est de même à Bamenda, certains jours il est possible de circuler, mais souvent, pendant plusieurs jours voire plus d’une semaine, il est totalement impossible de se déplacer. Les lundis, il y a beaucoup de localités qui ressemblent à des villes fantômes parce que les commerces et les entreprises sont fermés. Il n’est pas possible de bouger.

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