
Qui est musulman?
Chers amis,
« Les Iraniens ne sont pas des musulmans », a fustigé le grand mufti d’Arabie Saoudite quelques jours avant le début du hajj, le pèlerinage annuel à La Mecque, le mois dernier. Il faut dire que, de son côté, le président iranien avait invité « le monde islamique à punir le gouvernement saoudien », tout en qualifiant la famille royale saoudienne de « maudite et maléfique ».
Cette guerre des mots entre l’Iran et l’Arabie Saoudite illustre à nouveau l’affrontement entre ces deux pays qui rivalisent pour une forme de primauté, à la fois sur le plan géopolitique et religieux. Engagés dans des luttes d’influence par procuration, notamment dans les conflits au Yémen et en Syrie, l’enjeu consiste pour ces deux pays à déterminer qui prendra l’ascendant au Moyen-Orient.
Sur le plan religieux, au-delà de la dispute sur le hajj (incapacité à trouver une solution pour la participation des pèlerins iraniens), on retrouve la tension qui existe depuis le début de l’islam entre sunnites et chiites. Cette tension, doublée d’une profonde crise au sein de l’islam débordé par sa frange radicale et souvent violente, fait dire au président égyptien Al-Sissi que « la nation islamique se déchire, se désintègre et s’en va à sa perte ».
Le Roi du Maroc, Mohamed VI, déclare, quant à lui, que « les terroristes qui agissent au nom de l’islam ne sont pas des musulmans » et qu’ils sont « condamnés à l’enfer pour toujours ». Chez nous, les auteurs d’attentats islamistes sont systématiquement dédouanés de toute appartenance à l’islam et considérés comme non-musulmans. Même l’État islamique, en dépit de son nom, nous est présenté comme n’ayant rien à faire avec l’islam.
Pendant ce temps à Grozny, en Tchétchénie, se tenait une conférence islamique du 25 au 27 août, sous l’égide conjointe des présidents russe et égyptien avec la présence du Grand Imam d’al-Azhar et de 200 dignitaires religieux, oulémas et penseurs islamiques. Une liste des mouvements authentiquement sunnites a été dressée, de laquelle est exclu le wahhabisme d’Arabie Saoudite. Bref, les Saoudiens non plus ne sont pas musulmans. L’Arabie saoudite a réagi, estimant que le Grand Imam d’al-Azhar a « longtemps été alcoolique ».
La difficulté, c’est que le wahhabisme et sa vitrine salafiste sont aujourd’hui en pleine expansion et que l’on peut même parler de « wahhabisation » du monde musulman. Mais à la fin, si ni les Iraniens, ni les Saoudiens, ni les wahhabites ne sont musulmans, de qui parlons-nous ?
Marc Fromager
Directeur de l’AED
Édito du dernier bulletin de l’AED, paru en octobre 2016. Pour recevoir gratuitement le prochain bulletin, abonnez-vous ici.