La semaine dernière, le pape François a célébré à Abu Dhabi la plus grande messe ayant jamais eu lieu dans la péninsule arabique. Mais que restera-t-il de la visite pontificale ?

« J’avais déjà vu le pape François dans mon pays, au Sri Lanka, confie Gregory Fonseka, un de ces nombreux catholiques travailleurs immigrés qui constituent l’Eglise locale aux Emirats arabes unis. Mais je ne me serais jamais attendu à ce qu’il vienne célébrer une messe ici, à Abu Dhabi. Ma foi en Jésus en est renforcée. Merci, pape François. »

Dans un pays qui compte neuf paroisses pour un million de fidèles, ceux-ci y vivent et travaillent temporairement, avec la liberté d’assister à des services religieux, mais sans bénéficier d’une liberté religieuse totale. Les citoyens des Émirats ne sont pas libres de se convertir au christianisme ou à toute autre religion. En théorie, l’apostasie dans l’islam est sanctionnée par la peine de mort. Même si cette peine n’est pas appliquée, les convertis subissent de fortes pressions de la part de leurs familles. Toute activité missionnaire chrétienne est interdite et sanctionnée par l’expulsion.

Une messe inédite

Dans ce contexte, la messe célébrée mardi 29 janvier par le pape François constituait vraiment un événement exceptionnel. En effet, le pape a posé plusieurs jalons en célébrant la grande messe dans le stade sportif Cheikh Zayed de la capitale des Émirats. Pour la première fois, un primat de l’Église catholique a dit la messe dans ce pays qui est le berceau de l’Islam – la Mecque n’étant qu’à quelques centaines de kilomètres –, et cette messe était en même temps la plus grande qui se soit jamais déroulée dans la péninsule arabique. Plus de 160 000 chrétiens s’étaient réunis à l’intérieur et à l’extérieur de ce stade situé dans la périphérie d’Abu Dhabi. Pleins d’enthousiasme, ils ont acclamé le pape alors qu’il traversait la foule dans son véhicule ouvert.

Autre grande première : cette messe a eu lieu dans un espace public. Dans ce pays où l’islam est religion d’État, il n’est permis aux chrétiens de célébrer leurs offices religieux que dans l’enceinte des murs des églises. Cloches et croix visibles de l’extérieur sont interdites. Une messe célébrée dans un édifice public, diffusée à la télévision, en présence de membres du gouvernement, représentait un événement d’autant plus exceptionnel. Une immense croix se dressait au-dessus de l’autel. Des milliers de musulmans étaient présents lors de l’homélie du pape François, qui avait choisi le Sermon sur la montagne pour évoquer le programme de vie d’un chrétien.

Pleine de reconnaissance, la foule a applaudi lorsque l’évêque Mgr Paul Hinder a remercié le prince héritier d’Abu Dhabi d’avoir permis la célébration d’une messe publique. « En agissant ainsi, la dynastie au pouvoir prend tout de même un certain risque », estime une journaliste d’Abu Dhabi souhaitant garder l’anonymat. « Les érudits islamiques d’Arabie Saoudite, par exemple, n’approuveront certainement pas une messe publique en terre islamique. »

Mais que restera-t-il de la visite pontificale ? Est-ce que quelque chose s’améliorera pour les chrétiens de la région ? Mgr Camillo Ballin, vicaire épiscopal d’Arabie du Nord – où de nombreux chrétiens sont des travailleurs étrangers –, est dubitatif.

Une occasion de faire connaître le message évangélique

A l’AED, Mgr Ballin affirme que « la visite du Pape encourage également les chrétiens du nord de la péninsule arabique à vivre leur foi avec plus de conviction et à vivre dans une communauté de charité avec les musulmans. Par ailleurs, je suis certain que la rencontre interreligieuse d’Abu Dhabi pourra encourager l’émergence d’une nouvelle mentalité. Mais les grands changements n’arrivent pas en 24 heures. »

Le cardinal Bechara Boutros Rahi, patriarche de l’Église maronite d’Antioche et de tout l’Orient unie à Rome, est plus optimiste. Il considère la rencontre du pape avec des représentants éminents de l’islam, par exemple le Grand imam de l’université Al Azhar, comme un événement capital pour la relation entre l’islam et le christianisme. « Bien sûr, il y aura des changements, également en Arabie Saoudite, où il n’y a ni églises ni messes en public pour le moment. La rencontre du pape avec des représentants de l’islam ne restera pas sans conséquences. Mais cela va demander du temps. » affirme-t-il.

Parmi les laïcs, l’enthousiasme est, lui, encore plus palpable. George Samia, un jeune catholique venu exprès de Dubaï à Abu Dhabi pour assister à la messe pontificale, tire dès à présent un bilan positif de cette visite. « Pour les non-chrétiens, la visite du pape était une occasion d’en savoir plus sur le christianisme et son message d’amour, assure-t-il. C’était merveilleux. Je suis fier d’avoir pu être témoin de cet événement historique. » 

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