Mgr Kyrillos William Samaan, est évêque copte catholique d’Assiout, en Haute-Égypte. Il évoque la situation des chrétiens coptes d’Égypte et leurs relations avec la majorité musulmane.

AED : Il y a deux ans, le pape François et le grand imam de l’Université Al-Azhar du Caire ont signé une déclaration commune à Abu Dhabi sur la croyance commune en Dieu et la fraternité humaine qui en découle. Cette initiative a-t-elle porté ses fruits en Égypte ?

Messe d’ordination de 57 prêtres diocésains à la paroisse St Antoine d’Assiout. (Mgr Kyrillos William Samaan est à droite).

Mgr Kyrillos Samaan : Absolument. Ce document a été publié et diffusé par notre Église ici en Égypte. Et les musulmans continuent à s’y référer également. À l’occasion du deuxième anniversaire de sa signature, l’Université d’Al-Azhar a par exemple organisé plusieurs conférences en février. J’y étais également invité comme orateur et j’y ai souligné l’estime que le pape portait à l’islam, telle qu’elle s’exprime par exemple dans son encyclique sociale « Fratelli Tutti ». J’ai remis des exemplaires de ce document au gouverneur et à d’autres personnalités importantes. Cette initiative a été bien accueillie.

Le pape François est-il également apprécié des musulmans en Égypte ?

Beaucoup. Il y est toujours comparé au pape Benoît XVI, dont la situation était devenue difficile après son discours tenu en 2006 à Ratisbonne, considéré comme islamocritique. Ce qui n’était évidemment pas fondé, mais le résultat était là. Aujourd’hui, avec le pape François, l’ambiance est complètement différente. François bénéficie aussi d’un lien direct avec le grand imam au Caire. En 2017, il s’est d’ailleurs rendu en Égypte. Sous son pontificat, la relation entre l’islam officiel et l’Église catholique a vraiment évolué de manière positive.

Néanmoins, les salafistes tout comme les Frères musulmans continuent d’être des groupes très hostiles aux chrétiens. 

Certes, mais ils n’ont plus beaucoup de pouvoir. On entend par exemple très peu parler des salafistes. Sous le gouvernement du Frère musulman Mohamed Morsi en 2012 et 2013, les salafistes parlaient haut et fort. Aujourd’hui, ils sont isolés dans le pays. La majorité de la population égyptienne se montre plus tolérante envers les non-musulmans. 

Pourtant, aujourd’hui encore, il ne cesse de se produire des exactions contre les chrétiens. Le Rapport sur la liberté religieuse de l’AED évoque par exemple l’assassinat d’un copte ou encore l’enlèvement de jeunes filles chrétiennes en Haute Égypte.

Oui, mais ces faits sont devenus beaucoup plus rares. Le gouvernement fait tout ce qui est en son pouvoir pour les empêcher. Récemment, un musulman qui avait assassiné un chrétien a même été exécuté. Auparavant, il aurait été impensable qu’un croyant soit mis à mort à cause d’un infidèle.  

Comme beaucoup de Coptes, Mgr Kyrillos William Samaan arbore fièrement la croix tatouée sur son bras.

Eu égard à la situation des chrétiens, où voyez-vous encore une marge d’amélioration ?

Nous n’exigeons pas grand-chose, et nous sommes réalistes. Malheureusement, il y a encore beaucoup de gens qui considèrent les chrétiens comme des citoyens de seconde classe. Il faudra encore beaucoup de temps pour que cela change. 

Comment cela s’exprime-t-il ?

Par exemple par le fait que les chrétiens sont sous-représentés dans les universités. Non seulement en termes de nombre d’étudiants, mais surtout au sein du corps enseignant et de l’administration de l’université. De temps à autre, un chrétien y est nommé mais ce n’est qu’un « cache-misère ». Dans l’ensemble, les chrétiens sont généralement écartés, même s’ils sont tout aussi qualifiés. Il en est de même dans l’administration publique ou dans l’armée. 

Que peut-on faire contre cette situation ?

Les mentalités doivent changer. Le président Al-Sissi parle souvent de l’égalité de tous les Égyptiens. C’est important. Par rapport à notre situation sous la présidence du Frère musulman Mohamed Morsi, nous, chrétiens, vivons une période dorée. Lorsqu’une mosquée est édifiée dans une nouvelle ville, il demande à chaque fois quand est-ce qu’une église sera construite à côté. Le président ne cesse de rappeler que tous, qu’ils soient juifs, chrétiens ou musulmans, doivent pouvoir pratiquer librement leur religion et pouvoir édifier leurs lieux de culte. 

Cependant, même sous le président Al-Sissi, il arrive que des chrétiens se retrouvent dans le viseur de l’État. De graves accusations allant jusqu’au terrorisme ont été formulées à l’encontre de Ramy Kamel, militant copte et opposant au gouvernement. Cela signifie-t-il que sous Al-Sissi, les chrétiens jouissent certes de la liberté de culte, mais pas de liberté politique ?

Sans vouloir aborder de cas concret, je peux dire qu’il existe des restrictions valables pour tous les Égyptiens, indépendamment de leur religion. Elles ne visent pas spécialement les chrétiens.

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