Au Nigeria, une jeune fille a été battue à mort par une foule d’étudiants l’accusant de blasphème. L’arrestation de deux supposés assassins a déclenché une émeute dans la ville.

Le 12 mai 2022, à Sokoto (nord-ouest du Nigeria), une foule d’étudiants surexcités s’en est prise à l’une d’entre eux, Deborah Yakubu. Elle a vécu le martyre, battue, lapidée à mort, avant que son corps ne soit brûlé. La jeune chrétienne aurait posté un message outrageant le prophète Mohammed sur un réseau social, ce qui aurait déclenché le déchaînement de violence contre elle.

Chemin de croix dans le diocèse de Maiduguri, au nord-est du pays.

La ville sous tension

Des vidéos de l’évènement ont permis aux autorités d’identifier et d’arrêter deux des personnes qui auraient participé à ce crime. Mais leur arrestation a déclenché samedi 14 mai de violentes manifestations. Des groupes de jeunes, menés par des adultes, se sont rassemblés le long de la rue Ahmadu Bello et ont brisé les vitraux de la cathédrale de la Sainte-Famille et ceux du secrétariat du diocèse. Un autre groupe a incendié l’églises de la paroisse catholique de St Kevin de Sokoto, Gidan Dere et le supermarché de Hajiya Halima. Ils ont ensuite été dispersés par la police et un couvre-feu de 24 heures a été décrété sur la ville.

Mgr Matthew Hassan Kukah, évêque de Sokoto, a appelé les autorités à mener une enquête approfondie afin que tous les responsables soient traduits en justice. Promoteur actif du dialogue interreligieux, il rappelle dans un communiqué que les chrétiens et les musulmans ont vécu en bon voisin pendant des années. Il s’est aussi adressé spécifiquement aux chrétiens pour les appeler au calme et attendre que la justice suive son cours.

« Assez de tuerie »

L’Association chrétienne du Nigeria (CAN), qui regroupe des catholiques et des protestants, appelle à une manifestation le 22 mai 2022 pour réclamer justice pour Deborah. Le président de cette association souhaite qu’elle soit pacifique et que les slogans « assez de tuerie », « nous exigeons la justice pour Deborah », « plus de meurtre au nom de Dieu », soient scandés.

Le président de l’AED, Thomas Heine-Geldern a réagi en assurant au nom de l’association que : « Nos pensées et nos prières accompagnent la famille de Deborah et la communauté chrétienne de Sokoto. » Malheureusement, a-t-il relevé, le Nigeria est régulièrement victime de ces déferlements d’extrémismes religieux, qui ont débuté avec l’avènement de Boko Haram. Pourtant, la crise actuelle ne relève pas seulement de groupes terroristes, mais d’une large part de la société, comme en témoigne les évènements récents à Sokoto, précise-t-il.

La Charia comme code pénal

Cet extrémisme religieux s’inscrit même dans l’histoire longue du Nigeria puisqu’en 1999 douze états du Nord du Nigeria ont adopté des codes pénaux fondés sur la Charia. Une grande partie de ces codes comprennent de lourdes condamnations pour blasphème, y compris des condamnations à mort.

Le père Joseph Aketeh Bako, mort en détention.

Force est de constater, à la lumière du dernier rapport sur la liberté religieuse de l’AED et des évènements de Sokoto, qu’après 20 ans de codes de lois fondés sur la Charia, la situation du nord du Nigeria a empiré. L’appartenance ethnique et la religion sont devenues déterminantes pour accéder aux postes clés de l’administration, aux ressources et aux privilèges.

Les enlèvements et meurtres sont réguliers, et ils n’épargnent pas les prêtres. Le dernier en date est l’assassinat du Père Joseph Aketeh Bako, à Kaduna, la semaine dernière.  » À l’heure où nous parlons, des milliers de Nigérians sont dans les griffes des kidnappeurs, et des centaines de milliers d’autres ont perdu leurs proches, a réagi Mgr Matthew Manoso Ndagoso, évêque de Kaduna. De nombreuses personnes ici ont été victimes de ces enlèvements : Il n’y a pas de volonté politique pour résoudre les problèmes de sécurité dans ce pays. Les forces de sécurité du Nigeria ont montré qu’elles en étaient capables. »

 De toute évidence, les divisions du pays ont été aggravées.

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