L’Église malienne a célébré, le 21 mai, la nomination du premier cardinal malien, Mgr Jean Zerbo (devenu officiellement cardinal le 28 juin). Elle a aussi été secouée, le 30 mai, par un article accusant les évêques maliens de détournements de fonds. Des faits fermement réfutés par la conférence épiscopale dans un communiqué du 1er juin. Mgr Jonas Dembélé, évêque de Kayes, réagit à ces évènements tout en souhaitant la paix, encore précaire au Mali malgré des signes d’amélioration.

Comment les chrétiens ont-ils reçu la nouvelle de la nomination du nouveau cardinal ?

Mgr Jonas Dembélé (diocèse de Kayes) : Elle a été annoncée au Mali le dimanche 21 mai. C’était la joie et l’allégresse pour tout le peuple malien, pas uniquement pour les chrétiens. Le gouvernement a appelé le cardinal Zerbo pour le féliciter. Des musulmans ont également manifesté leur joie. Le peuple chrétien, bien sûr, était en action de grâce et remerciait le pape, reconnaissant pour notre Église qui, bien que minoritaire, reste écoutée au Mali.

Comment l’affaire des comptes en Suisse, survenue dans la presse le 30 mai, a-t-elle été vécue ?

Après avoir accueilli avec joie, le 21 mai, la nomination de Mgr Jean Zerbo, la conférence des évêques s’était ensuite retrouvée le 30 mai pour une session extraordinaire. Notre secrétaire général, l’abbé Edmond Dembele, nous a alors amené un journal qui relatait la question des Swissleaks. L’article affirmait que des évêques du Mali auraient détourné l’argent des fidèles. Cela nous a beaucoup surpris. Nous nous sommes demandés pourquoi cela survenait juste après la nomination de Mgr Zerbo. Cela a profondément choqué le peuple chrétien et mis beaucoup de gens en furie. Mais il faut raison garder, chercher à comprendre. Nous avons publié peu après, le 1er juin, un communiqué pour réfuter ces allégations.

Suite aux récentes attaques à Bamako et à Tombouctou, la situation semble toujours instable au Mali ?

La paix est toujours précaire. La situation demeure instable, mais les évènements qui ont secoué le pays ont commencé en 2011 et cela n’affecte pas la population au quotidien. Il y a eu des attaques ponctuelles, mais cela ne paralyse pas la vie ordinaire. Dans mon diocèse de Kayes, dans l’ouest du pays, nous vivons normalement et les prêtres ne sont pas menacés. Le dialogue y est maintenu entre musulmans et chrétiens. C’est le cas partout au Mali, sauf à Kidal, Gao et Tombouctou, dans le diocèse de Mopti, où les prêtres ne peuvent plus aller librement. Partout ailleurs, sur tout le territoire, la mission continue.

À Mopti, les chrétiens n’arrivent plus à vivre leur foi normalement ?

Non. À Mopti, en 2013, c’était déjà compliqué pour les chrétiens. À Gao, par contre, ils arrivent à se retrouver pour des célébrations en l’absence de prêtres, qui eux-mêmes ne peuvent pas y accéder. Dans deux ou trois villages frontaliers avec le Burkina-Faso, des gens ont entravé le rassemblement de l’une ou l’autre communauté chrétienne, leur empêchant de sonner la cloche et en les forçant à tout fermer.

Comment sont les relations entre l’Église et le gouvernement malien ?

L’Église a gardé de bonnes relations avec le gouvernement. Elle a beaucoup œuvré dans les écoles, les centres de santé et pour le développement durable. Cela a créé l’émulation, car ces œuvres sont destinées à toute la population, sans distinction. Enfin, le gouvernement a toujours cherché à collaborer avec l’Église, avec la Conférence épiscopale.

Le Mali est une république laïque, mais certains groupes semblent faire pression pour qu’il devienne un État islamique ?

De plus en plus, il est mis en relief que les musulmans sont majoritaires au Mali. Comme nous sommes en démocratie, certains en profitent pour demander pourquoi rester, alors qu’il y a 95 % de musulmans, dans un état laïc… Mais le Mali a fait le choix de la laïcité il y a longtemps déjà. Cette décision n’est pas venue que des chrétiens ou des adeptes de la religion traditionnelle. Des intellectuels maliens aussi, bien que musulmans, savent que dans le monde d’aujourd’hui, la laïcité favorise mieux le vivre ensemble. Mais les politiciens sont parfois tentés de jouer le jeu face à ces groupes, parce qu’ils ont besoin de l’électorat. Ce n’est pas évident.

Les relations avec les musulmans sont traditionnellement bonnes au Mali ?

Le Mali a été un exemple de dialogue islamo-chrétien dans toute l’Afrique de l’Ouest. Mais il s’agissait d’un islam malien. Cela a duré, mais depuis 2008, on assiste à l’arabisation de l’islam, ce qui rend la situation plus difficile. Mais ordinairement, dans les mêmes villages, dans les mêmes familles, on rencontre des chrétiens, des musulmans et des adeptes de la religion traditionnelle. Malheureusement, on assiste aujourd’hui à la montée de certains groupes intolérants.

Quel est votre sentiment sur l’avenir au Mali ? Comment maintenir la paix ?

L’espoir est permis. Nous cherchons à sensibiliser les gens sur le fait que pour construire la paix, cela commence d’abord dans ma famille, puis dans mon quartier, dans mon village, dans ma région, avant que cela puisse se propage dans tout le pays. Nous invitons aussi la classe politique à rechercher le bien du Mali avant tout, à chercher le bien commun avant les intérêts individuels, qui ne favorisent pas la paix. Nous voyons des individus s’engager pour cela, avec l’aide de la communauté internationale et de la Cedeao (Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest). Ce sont des personnes de bonne volonté. Bien que la fin de la crise ne soit pas pour la fin de l’année, des signes d’amélioration sont là.

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