Le père Remigius redonne un peu d’espoir aux réfugiés

Dans un entretien avec l’AED, le père Remigius Ihyula du Nigeria, décrypte la situation actuelle de son pays, soulignant l’incapacité du gouvernement à endiguer la violence. Le père Remigius, partenaire de projet de l’AED, dirige la Fondation pour la Justice, le Développement et la Paix, un organe du diocèse de Makurdi dans l’État de Benue, l’un des plus durement touchés par les attaques des bergers fulanis.

AED : Les meurtres et les déplacements massifs de Nigérians ont commencé en 2009 et se sont aggravés en 2014. Pourquoi y a-t-il tant de violence de la part des Fulanis (Peuls) dans l’État de Benue ?

Ce que l’on appelle ‘la violence des Peuls’ devrait plutôt être appelé ‘attaques terroristes des Peuls contre des villages innocents’. Certains disent qu’ils agissent pour des motifs religieux, d’autres qu’ils sont venus dans la vallée de Benue à cause du changement climatique. Mais le changement climatique est un phénomène mondial, et les gens ne s’entretuent pas partout. Notre interprétation est qu’il y a des terroristes qui utilisent ces bergers pour déplacer la population locale.

L’État de Benue est considéré comme le « grenier alimentaire du Nigeria », car il s’agit de la région la plus productive sur le plan agricole, qui approvisionne la population du Nigeria et d’autres pays. Les récoltes nourrissent les familles des paysans et la vente des produits permet de payer les frais médicaux, les frais de scolarité et d’autres choses essentielles. Mais les activités terroristes ont privé les Nigérians de ces revenus. Les gens en sont réduits à mendier, alors qu’ils n’avaient jamais eu à le faire jusque-là. Le paysan de Benue est très fier, nos paysans ont toujours été capables de cultiver et de se nourrir eux-mêmes. Aujourd’hui, ils mendient et dépendent d’organisations non gouvernementales et, dans certains cas, de particuliers qui leur donnent de la nourriture et un endroit pour camper ou se cacher. Ils ne peuvent pas retourner dans leurs villages pour les travaux agricoles au risque d’être tués par les terroristes.

Non seulement ils détruisent les récoltes et tuent les gens, en particulier les enfants de sexe masculin, mais ils occupent également les terres de sorte que les gens ne peuvent pas retourner dans leurs communautés agricoles, ce qui provoque famine et difficultés.

Comment le diocèse de Makurdi s’occupe-t-il des personnes déplacées dans les camps ?

Les gens sont dans une situation désespérée : ils ont besoin d’hygiène, de nourriture, d’éducation et de soutien psychologique. De nombreuses familles ont cessé d’envoyer leurs enfants à l’école à cause de la violence, alors nous essayons d’offrir un enseignement aux élèves dans les camps. L’Église leur a permis de fréquenter en toute sécurité les écoles municipales. Nous leur enseignons également des compétences professionnelles afin de se débrouiller lorsqu’ils quittent l’école.

Certains résidents des camps ont subi de multiples déplacements. D’autres ont vu leurs proches se faire massacrer, tirer dessus et dépecer comme des animaux. Nous avons du personnel qui prodigue des conseils psychosociaux pour traiter leurs traumatismes, et nous fournissons également une aide spirituelle parce que la foi chrétienne aide parfois les gens à guérir mieux et plus vite.

« Sans la foi chrétienne, je suis sûr que de nombreuses personnes auraient pris les armes pour retourner se battre »

père Remigius Ihyula

Qu’est-ce qui est le plus important pour les personnes vivant dans les camps ?

Ils ont besoin de la foi, c’est bien le soutien le plus important que nous puissions leur apporter. C’est pourquoi l’évêque m’a demandé de visiter les camps tous les jours. Quand ils me voient, cela leur donne de l’espoir et renforce leur foi en Dieu. La prière du Seigneur nous enseigne à aimer et à prier pour ceux qui nous haïssent et nous persécutent. Malgré tout ce qui leur est arrivé, notre peuple doit être prêt à pardonner : c’est le message que nous leur transmettons, afin qu’ils puissent reconstruire leur vie. Lorsque nous parlons à nos concitoyens qui ont souffert, nous les exhortons à ne pas se venger, car ils risqueraient alors de ne jamais guérir de leurs traumatismes.

Que fait le gouvernement pour remédier à cette situation ?

Nous prions seulement pour que Dieu nous donne des dirigeants impartiaux qui aideront les personnes chassées de leurs villages à revenir et à reprendre le cours de leur vie. Il semble que nos dirigeants actuels négligent leur sort, parce que ces personnes ne parlent pas leur langue ou ne pratiquent pas le même culte qu’eux. C’est comme s’ils étaient des êtres humains inférieurs et que ce qui leur arrive ne les concernait pas.

Notre peuple est massacré et abattu quotidiennement, et notre président ne vient pas le voir. Et lorsque notre gouverneur veut en parler, le président le fait taire, en disant qu’il s’agit d’un problème ancestral.  Nous lui demandons : pourquoi laissez-vous vos citoyens se faire tuer ?

Voilà quelques-uns des problèmes auxquels nous sommes confrontés. Si, par hasard, nos dirigeants lisent cette interview, je deviendrai leur cible. Pour eux, c’est moi le problème, pas le gouvernement qui ne fait pas son devoir, qui ne protège pas ses citoyens, mais moi qui dis la vérité. Au Nigeria, lorsque les gens disent qu’il faut s’attaquer à l’injustice, ils deviennent une cible. Je suis un prêtre catholique, s’ils me tuent, ils tuent une personne. S’ils m’attaquent, ils n’attaquent qu’une seule personne. Mais de toute façon, je ne vais pas vivre éternellement, et la vérité doit être dite. Le président a entendu et vu beaucoup de choses sur l’État de Benue. Peut-il venir ici pour une fois et voir ce qui se passe ? Notre peuple mérite-t-il d’être puni de la sorte ?

Quels sont les besoins les plus importants du diocèse en ce qui concerne la prise en charge de ces personnes déplacées ?

Tout d’abord, nous espérons obtenir le financement d’un centre de traumatologie pour les personnes déplacées et les autres personnes ayant subi des crises majeures. De même, nous avons besoin de soins médicaux pour ces personnes, d’installations adéquates pour les soigner. En outre, nous voulons offrir une éducation aux enfants déplacés. L’évêque a déjà commencé ce travail.

Patience Ibile

L’Aide à l’Église en détresse soutient le travail du diocèse de Makurdi au Nigeria, en apportant une aide aux personnes déplacées des camps de Guma et de Daudu, deux des 14 camps et des 13 communautés d’accueil. Outre les soins pastoraux, l’Église locale fournit un soutien psychologique, des bourses d’études, de la nourriture et d’autres formes d’aide humanitaire.

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