La Nuit des Témoins 2019 s’est déroulée du 23 au 29 mars. Au cours de cette veillée de prière et de témoignage ont tour à tour pris la parole Mgr Theodore Mascarenhas, secrétaire général de la conférence épiscopale d’Inde, soeur Mona Aldhem, religieuse en Syrie, et Mgr Fridolin Ambongo, archevêque de Kinshasa, en République démocratique du Congo. Voici le témoignage de sœur Mona Aldhem.

Le pape François a dit : « le Seigneur se souvient toujours de nous, même dans les moments sombres. Voilà notre espérance ! Et l’espérance ne déçoit jamais !»

Vivre en temps de guerre, c’est éprouver la faim, le manque de tout et surtout de l’essentiel. C’est finalement accueillir la mort qui rôde partout et qui emporte les jeunes d’abord.

Avec la guerre tout le monde perd ! Il n’y a pas de gagnant !

Un demi-million de morts, 9 millions de déplacés internes en Syrie et 5 millions de réfugiés à l’étranger. Donc 14 millions de personnes aujourd’hui ont perdu leur logement, ce qui fait 65% de la population.

En 2011, quand la violence a commencé, dans mon pays, en Syrie, j’étais à Damas, responsable de l’Ecole patriarcale grecque catholique, Al Rihaya, qui comptait 2300 élèves et 200 professeurs. L’école, flambant neuve, venait d’être transférée et reconstruite dans la banlieue de Damas.

Quelques semaines après la rentrée, nous avons senti grandir le danger. Les obus s’approchaient de l’école. Les parents, gagnés par l’insécurité ambiante et la peur, commencèrent à retirer leurs enfants pour les intégrer dans une école proche de leur domicile, tandis que les familles plus aisées parlaient déjà de départ. La guerre s’était installée.

Au bout de 2 mois, les effectifs sont passés de 2300 à 800 élèves.

En effet, suite à deux explosions survenues dans un quartier proche de l’école, ayant fait une quarantaine de victimes, dont des parents de nos élèves et des professeurs, le quartier est complétement bouclé et devient un lieu stratégique de combats. Nous voilà alors obligées d’abandonner l’école pour nous installer provisoirement, pensions-nous, dans des locaux prêtés par le patriarcat, en pleine ville de Damas. Là, nous devons nous adapter. Nous avons trouvé refuge dans les chambres à coucher de ce qui était autrefois un asile de vieillards. Mais croyez-vous que les obus et les balles des francs-tireurs nous ont laissé tranquilles ?

Tous les jours et des années durant, malgré la peur, nous partions à l’école, confiantes dans le Seigneur, Le priant de protéger nos enfants, nos profs et notre pays, inquiètes, jusqu’à ce que le dernier bus arrive à destination.  Que de récréations passées à l’abri dans nos salles de classe improvisées. Que de fois nous avons hésité : fallait-il ouvrir l’école ou laisser les enfants à la maison ? Généralement, sans céder à la peur, mais trouvant refuge dans les Paroles de Jésus qui nous accompagnait : « Confiance, c’est moi, n’ayez pas peur !» (Marc 6, 50), nous avons repris courage et continué notre mission avec un espoir renouvelé, malgré les nuages et un avenir obscur.

Un jour, nous est venue l’idée de demander un laisser-passer pour retourner dans notre ancienne école. On nous l’accorda. Nous sommes entrées sous haute garde. Inutile de vous décrire le choc et la tristesse ressentis en retrouvant notre école dévalisée, saccagée. Les livres de la bibliothèque jonchaient le sol. Nous en avons récupéré quelques-uns et nous sommes sorties le cœur serré en voyant l’effort de tant d’années de travail parti en fumée.

Le fracas des bombardements et des explosions nous effrayait. Le seul fait de penser aux gens qui ont tout perdu nous redonnait un peu de courage et d’élan neufs.  Chaque jour, après l’école, avec une autre religieuse, nous allions voir les déplacés arrivés de Homs et d’autres régions de la Syrie et qui avaient trouvé refuge dans le quartier voisin.  Nous les écoutions, les encouragions, subvenions à leurs besoins de première nécessité, les soutenions moralement et spirituellement.

Ecouter chaque famille avec son histoire nous broyait le cœur. Quelle souffrance n’ont-ils pas endurée avant d’arriver là, épuisés par de longues marches, dépouillés de tout, blessés parfois. La plupart étaient partis laissant tout derrière eux : ce qui restait de leur maison, des parents âgés, quelqu’un de cher emporté par la violence aveugle, et que sais-je encore ?

Depuis trois ans, je suis dans le diocèse du Hauran, au sud-ouest de la Syrie. Cette région est le berceau de la chrétienté, refuge et point de départ de Saint Paul vers les Nations. Nous sommes deux religieuses et notre mission pastorale s’étend dans cinq villages chrétiens d’alentour. 

Nous nous occupons de la catéchèse des enfants, des jeunes et des adultes. Nous travaillons avec ces chrétiens qui sont restés dans le pays malgré les menaces, la peur et l’insécurité. Plusieurs villages de cette région ont été détruits avec leurs églises. Craignant les enlèvements, beaucoup de jeunes ont quitté le pays à la recherche d’un peu de sécurité et de paix.

Aujourd’hui, relevant tous les défis, les habitants restés sur place, libérés de la peur-panique d’être chassés de leur maison, secouent la poussière de la guerre et retrouvent la joie de vivre.

Jusqu’à ce jour et de longues heures durant, il faut faire face au manque d’électricité, de mazout pour réchauffer les maisons. On ne trouve pas toujours le gaz pour cuisiner ni même l’eau, et le lait pour les bébés constitue un luxe. Une maman m’a avoué qu’elle donnait de la soupe à son bébé de 3 mois.

Notre présence encourage les chrétiens de cette région et soutient leur espérance. Dans leur foi simple et solide, ils ne cessent d’espérer et de dire : « Dieu nous protège et nous fortifie dans cette épreuve de la guerre ! » Nous n’avons d’autres réponses, nous n’avons d’autres prière que la grâce à demander de « devenir des ouvriers de paix et des bâtisseurs d’amour ».

Nous sommes heureuses de voir les enfants remplir les centres de leurs cris joyeux et de leurs chants. Avec eux, nous regardons l’avenir avec espérance et nous prions pour qu’advienne une paix juste et durable dans notre pays et dans le monde entier.

Pour la Cté de Khabab / Hauran (Syrie)

Soeur Mona Aldhem

(Crédit photo : AED / Solène Perrot)

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