Deux prêtres au Pakistan témoignent de la joie et de la crainte mêlées qui accompagnent l’acquittement et l’annonce de la libération d’Asia Bibi.

La Cour suprême du Pakistan a acquitté ce 31 octobre la chrétienne Asia Bibi, arrêtée pour blasphème en juin 2009 et condamnée à mort en novembre 2010 puis en octobre 2014. Elle devrait être libérée « immédiatement » selon le juge Saqib Nisar qui a annoncé le verdict de la Cour suprême.

« Il était très clair, dès le premier jour de son accusation, qu’Asia Bibi était innocente et faussement accusée », rappelle le père James Channan, directeur du Peace Center, à Lahore, au Pakistan. Il s’attendait donc à ce que la Cour suprême du Pakistan annonce la libération de cette catholique, mère de cinq enfants, accusée par une musulmane de son village du Pendjab d’avoir «insulté» le prophète Mahomet à la suite d’une dispute au sujet d’un verre d’eau.

Son acquittement est salué par les défenseurs des droits de l’homme, par les chrétiens – malgré les risques qu’elle fait encourir à ses coreligionnaires pakistanais, et par les musulmans modérés. « Justice a été rendue. Le verdict montre que les pauvres, les minorités et la fraction la plus modeste de la société peuvent obtenir justice dans ce pays en dépit de ses défauts » s’est réjoui son avocat Saif-ul-Mulook.

« La communauté chrétienne a très peur »

Bien malgré elle, Asia Bibi est devenue une icône des dérives de la loi anti-blasphème au Pakistan. Les opposants à cette loi prennent son cas en exemple pour démontrer les absurdités auxquelles elle conduit, et ses partisans, au contraire, voulaient faire d’Asia Bibi un exemple. « Les musulmans radicaux sont furieux de ce jugement, constate le père Channan. Et la communauté chrétienne a très peur. Nous craignons que nos églises, nos écoles, nos institutions et nos maisons soient attaquées. Ces fanatiques sont prêts à tuer et à être tués. » Ils menacent de fait explicitement le Premier ministre Imran Khan et le président de la Cour suprême, Mian Sahib Nisar, ainsi que les juges qui ont rendu le verdict.

Contacté par l’AED, le père Emmanuel Yousaf, directeur national de la Conférence des évêques du Pakistan, indique que « Les écoles et les collèges vont fermer plus tôt. Beaucoup de routes sont bloquées et la population est empêchée de se rendre au travail ou de rentrer à la maison. »

Elle ne peut pas demeurer dans son pays natal

Les militants du Tehreek-e-Labbaik Pakistan (TLP), en particulier, multiplient les manifestations. Le prêtre constate qu’ils bloquent les axes de circulation dans les grandes villes : Lahore, Islamabad, Karachi. « La vie s’est arrêtée au Pakistan » constate-t-il avec angoisse. « On ne peut plus voyager librement », ajoute-t-il. Il se souvient qu’en avril 2017, des membres de ce parti, émanant d’une secte soufie ultra-violente, avaient bloqué la principale autoroute menant à la capitale du pays et, après un mois de manifestations et de blocages, ils avaient alors obtenu la démission du ministre de la Justice.

Bien qu’elle ait été déclarée innocente, et qu’elle soit, selon la loi, libre de ses mouvements, Asia Bibi ne peut pas rester dans son pays natal. « Elle devra trouver exil dans un autre pays pour sauver sa vie », regrette le père Channan. « J’espère que la situation se calmera et que nos vies se normaliseront. Gardez-nous dans vos prières afin que Dieu nous protège », conclut le prêtre.

 

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