« Qui sera le suivant ? »

Suite à l’enlèvement de sept prêtres et religieux (dont deux français), le clergé catholique craint de faire partie des prochaines victimes.

L’enlèvement survenu le dimanche 11 avril 2021 à la Croix des Bouquets (près de Port-aux-Princes) de cinq prêtres et de deux religieuses n’est qu’un de plus dans une liste déjà longue. Mais les ecclésiastiques catholiques ont peur de devenir les prochaines victimes. C’est ce que Mgr Jean Désinord, évêque catholique de Hinche, a déclaré lundi à l’AED. « Nous nous demandons : qui sera le prochain ? Moi ou un confrère ? Les prêtres et les religieux sont vraiment menacés de psychose. Nous vivons dans une peur constante » a déclaré l’évêque. Jusqu’à présent, ni lui ni ses confrères épiscopaux n’ont été spécifiquement menacés. Mais les cas de prêtres et de religieux kidnappés ont récemment augmenté. « L’année dernière, un prêtre et une religieuse ont été enlevés. Grâce à Dieu, les deux ont été libérés », a déclaré l’évêque. « Il n’y a pas de solution rapide au problème des enlèvements effrénés. L’Église ne peut faire appel qu’aux responsables politiques pour assurer la loi et l’ordre. »

« Tout le monde sait que nos politiciens utilisent des gangs criminels pour contrôler certaines zones. »

Il est fort probable que les enlèvements actuels font partie du banditisme général qui est répandu en Haïti. « C’est un moyen facile de gagner de l’argent », a déclaré l’évêque. Toutefois, il n’a pas exclu les antécédents politiques en plus des motivations criminelles des ravisseurs. L’Église aurait pu être ciblée par certains politiciens en raison de sa critique de la situation. « L’Église en Haïti a une mission prophétique. Elle doit dénoncer la situation actuelle. Il est donc possible que ce soit une épine dans le flanc de certains politiciens. Mais vous ne pouvez pas savoir », a déclaré l’évêque. « Tout le monde sait que nos politiciens utilisent des gangs criminels pour contrôler certaines zones. Les frontières entre le crime organisé et la politique sont fluides. »

« Cela nous encourage de savoir le Pape si proche de notre peuple. »

L’évêque est reconnaissant de l’appel du pape François le dimanche de Pâques. En effet, dans son discours, le Pape a rappelé aux gens la situation sécuritaire précaire sur l’île et a exprimé sa proximité avec la population. « Cela nous a beaucoup touchés », a déclaré Mgr Désinord. « Nous avons été vraiment surpris que le Saint-Père ait pris autant de temps avec nous lors de son allocution Urbi et Orbi et ait mentionné Haïti de manière si détaillée. Cela nous encourage de savoir le Pape si proche de notre peuple. » Mgr Désinord espère que l’appel du Pape sera entendu par les dirigeants politiques haïtiens. « En tout cas, ils ne peuvent ignorer un discours adressé au monde entier », a déclaré l’évêque.

L’évêque a également appelé les bienfaiteurs de l’AED à continuer d’accompagner le peuple haïtien. « Merci pour votre proximité et votre générosité. L’AED est à nos côtés en ce moment difficile de notre histoire. » Mgr Désinord a également invité à la prière pour les évêques d’Haïti réunis dans la capitale Port-au-Prince.

En Haïti, le pays le plus pauvre du continent américain, la situation sécuritaire se dégrade depuis des années. Les crimes de gang et les enlèvements sont fréquents. En outre, il existe de graves tensions politiques entre le gouvernement et l’opposition. Les évêques catholiques du pays ont mis en garde contre une « explosion sociale » en février. »