Retrouvez le témoignage de sœur Dalida

Je suis à Jounieh, au collège de la Sainte Famille tenu par les Sœurs maronites de la Sainte Famille. 

Je rencontre Sœur Dalida, directrice de l’établissement, qui m’accueille dans son bureau. 

Son bureau offre une magnifique vue sur la baie de Jounieh. Le cadre est beau et apaisant mais ce que me partage Sœur Dalida contraste avec la beauté de ce cadre. 

Son témoignage est empreint d’espérance et nous échangeons pendant plus de deux heures. 

Elle me partage la gestion d’une crise qui dure depuis plus de trois ans. 

En tant que directrice de l’école, Sœur Dalida fait tout son possible pour tenir un établissement qui accueille plus de 900 élèves.

La crise de 2019, a plongé tous les Libanais dans une grande pauvreté. 

Face à cette pauvreté, Sœur Dalida m’explique qu’elle tient debout grâce à la prière. Ou plutôt qu’elle se tient à genoux devant le Saint Sacrement pour trouver la force et la joie de continuer sa mission. 

Le travail éducatif est excellent dans cet établissement qui lie vie spirituelle et enseignement. 

Tous les matins, m’explique Sœur Dalida, la messe est dite dans la petite chapelle à l’extérieur. Petite chapelle qui peut accueillir une classe chaque matin. 

Cette chapelle, c’est Sœur Dalida qui a l’idée de la faire construire, il y a quelques années, avec l’aide financière de l’AED. A l’époque, c’est la première fois que Sœur Dalida entend parler de l’AED et cela fait maintenant dix ans que Sœur Dalida travaille avec l’AED. 

Sœur Dalida est pleine de reconnaissance pour toute l’aide apportée par l’AED mais elle est aussi révoltée à cause de l’inaction des « grands riches libanais », comme elle les appelle, qui ne se mettent pas au service des plus pauvres au Liban. 

Sœur Dalida est ferme, elle a la tête sur les épaules mais elle me confie qu’elle ne s’assied jamais sur sa chaise de directrice, derrière son bureau. Elle laisse cette chaise au Bon Dieu car « Seigneur Jésus, c’est toi le directeur ». 

Le Christ, c’est le pilier de sa mission, « on ne compte que sur Dieu » me dit-elle. 

« Depuis trois ans, on touche de manière tangible le fait de ne compter que sur Dieu. » 

Sœur Dalida me témoigne de l’entraide qu’il y a entre les parents, les enseignants et les élèves. 

« C’est le noir devant nous, on tâtonne comme si l’on marchait dans la boue. Même au temps de la guerre il y avait de quoi vivre. » 

Sœur Dalida porte un vrai message de confiance et d’abandon mais elle vit la « mort silencieuse » des Libanais qui l’entourent. 

« L’Etat ne remplit pas son rôle. Normalement, le pasteur s’occupe de ses brebis, maintenant c’est l’inverse, le pasteur profite de ses brebis. » 

Sœur Dalida a pensé à démissionner il y a quelques années mais c’est une parole de la Bible qui l’éclaire pendant la nuit : « Souviens-toi Israël ». 

Se souvenir des grâces et des dons que Dieu nous donne pour ne jamais perdre le combat car « perdre le combat c’est une perte pour Jésus ». 

Une perte pour Jésus car ici, au collège de la Sainte Famille, « les élèves expérimentent le Seigneur ». Une prière commune est dite tous les matins, les textes de l’Evangile sont utilisés pour apprendre la grammaire. Sœur Dalida est le témoin vivant de la véritable action chrétienne des écoles catholiques au Liban. 

Le sourire de Sœur Dalida me touche, son regard est fatigué mais l’espérance se ressent. 

Et puis, comme le dit si bien Sœur Dalida, « le bonheur et la joie sont une décision ». 

Propos recueillis lors de la rencontre avec Sœur Dalida

« Si l’on tient encore cet établissement avec autant d’élèves, cela relève du miracle. »

« Il faut connaître le peuple, les gens d’ici. C’est très important. »

« Il y a une vraie entraide entre les familles et les enseignants. Parfois quand certaines familles ne

peuvent pas payer leurs frais de scolarité, nous les aidons avec une partie des salaires des professeurs

qui acceptent d’attendre. »

« Il ne faut pas céder. Beaucoup de prières, prier le Saint Sacrement. Je me mets à genoux devant le

Saint Sacrement pour avoir la force de continuer. »

« On est vraiment dans un combat, il ne faut pas perdre ce combat car c’est une perte pour Jésus. »

« Le peuple est fatigué. »

« On tâtonne comme si l’on marchait dans la boue. »

« C’est le noir devant nous. »

« Même au temps de la guerre il y avait de quoi vivre. »

« On assiste à la mort silencieuse de ceux qui nous entourent. »

« L’Etat ne remplit plus son rôle. On ne reçoit plus de subventions depuis 2017-2018. Normalement le

pasteur prend soin de ses brebis, là c’est l’inverse, le pasteur profite de ses brebis. »

« La situation actuelle n’est pas durable, je suis très reconnaissante de l’aide que vous nous apportez

avec l’Œuvre d’Orient mais il faut que ce soient les Libanais qui s’en sortent. Il faudrait que ce soient

les « grands riches libanais » qui donnent pour aider l’Eglise et les Libanais. Qu’est-ce qu’ils font ? »

« Quand c’est compliqué pour moi de voir la providence de Dieu dans le quotidien je me rappelle

d’une parole de l’Ancien Testament : « Souviens-toi Israël ». C’est le peuple élu qui doit se rappeler de

toutes les grâces que Dieu lui a données. C’est la même chose pour nous. »

« Quand j’ai été élue pour devenir directrice, je n’avais pas l’habitude de cette posture. D’ailleurs je ne

m’assieds jamais sur ma chaise derrière le bureau car je dis à Dieu « Seigneur c’est toi le directeur ».

Oui je suis la directrice mais c’est Dieu qui nous donne tout. »

« Ici, les élèves expérimentent le Seigneur. Il y a la prière tous les matins, certains professeurs ne

commencent pas leur cours sans avoir prier avec leurs élèves. Chaque jour, une classe assiste à la

messe dans la petite chapelle. Je propose aux professeurs d’utiliser des textes de l’Evangile pour

étudier la grammaire par exemple. Il faut essayer d’intégrer Jésus dans tous les domaines. »

« Le bonheur et la joie sont une décision. »

Questions posées à Sœur Dalida concernant sa mission

1ère question : Pourriez-vous évoquer en quoi a consisté votre engagement ? (Renoncement à soi …)

Comment se préparer à se donner soi-même totalement, à se fondre dans le projet qu’Il a pour vous ?

« Mon engagement profond dans la vie religieuse découle avant tout de ma quête inlassable de sens dans cette existence que je trouve vraiment éphémère parce que j’ai vécu en 1977 pendant la guerre au Liban et depuis on ne cesse de vivre d’une crise à une autre crise, de crises intercommunautaires ou bien de crises économiques et maintenant de grandes crises éducatives et éthiques.

Cet engagement me pousse à cultiver un amour inconditionnel envers chaque individu sans aucune exception et de même à transcender les frontières de l’égo, toutes les frontières qui m’éloignent de mon frère pour mieux servir autrui et à incarner au quotidien les valeurs chrétiennes. 

Bien sûr que parmi ces valeurs, le renoncement de soi se révèle comme un chemin de purification de mon âme, une démarche de purification qui m’invite à dépasser mes désirs personnels pour mieux répondre aux besoins des autres et à aimer tout le monde sans exception. 

C’est également un appel à partager une grande joie que la joie chrétienne m’a enseignée et qui transcende les limites terrestres pour s’ancrer dans l’infini. 

Ainsi ma vie religieuse consiste à être comme un voyage extérieur et intérieur, une quête constante pour trouver un sens plus profond, un amour plus étendu et une joie sans fin offrant un épanouissement tant spirituel qu’humain. »

2ème question : Quelle est la source d’inspiration de votre lien avec vos frères ?

« Je peux dire que mes sources d’inspiration pour mes relations avec mes frères, il faut savoir que depuis que déjà petite j’adorais la vie en communauté, j’étais depuis ma petite enfance avec des groupes de prière, des groupes qui priaient pour la Sainte Vierge, ensuite avec les Guides où nous faisions beaucoup d’actions spirituelles et tout ça m’aide beaucoup dans ma vie communautaire parce que j’aime beaucoup la vie en communauté. Au sein de la communauté où on partage ensemble des valeurs communes et des croyances communes, ensemble nous expérimentons le Christ dans tous les temps : à Noël, à Pâques, c’est-à-dire qu’à l’intérieur même de la communauté nous marchons ensemble. 

Cette marche ensemble m’inspire beaucoup et m’aide à m’investir davantage dans ma vie. Bien-sûr la Bible me guide, elle est la méditation journalière. Et de même, une autre chose que ma méditation quotidienne avec la parole de Dieu, je choisis de temps à autre un livre spirituel qui pourra aussi m’aider à réfléchir autrement. Avant, chaque semaine je rencontrais mon accompagnatrice spirituelle mais maintenant je le fais par exemple chaque 3 mois pour relire ensemble ma vie. »

3ème question : Avez-vous parfois le sentiment que vos mots sont ceux du Christ et vos gestes les siens ?

« J’ai une confiance très grande, j’expérimente cela chaque jour : que le Seigneur est avec moi.

Dans tous les cas, la clé de ma vocation c’était le chapitre 43 du Livre d’Isaïe quand le Seigneur disait : « Je t’ai créé Jacob, je t’ai façonné, ne crains pas car je t’ai racheté, je t’ai appelé par ton nom, tu es à moi ».

Chaque jour j’expérimente cette réalité, cette vérité, le Christ est avec moi.

J’expérimente ça surtout maintenant dans les temps de crise où je suis confrontée aux malheurs des parents, au malheur des profs et des enfants. 

Mais chaque jour devant une grande situation de pauvreté, quand les gens viennent me confier leurs malheurs, leurs douleurs, directement je trouve une autre personne qui vient m’aider à résoudre le problème de mon frère ou bien de ma sœur. 

Vraiment c’est providentiel et je l’expérimente chaque semaine, je ne veux pas dire chaque jour parce que chaque instant le Christ est avec moi mais je suis toujours émue parce qu’il me répond rapidement. 

Le chapitre d’Isaïe 43 continue en disant : « Quand tu traverses les eaux je serai avec toi, les fleuves ne te submergeront pas, quand tu marcheras au milieu du feu tu ne te brûleras pas ».

Vraiment ça, ce passage d’Isaïe, je pense qu’il résume un peu ma vie et surtout la situation de crise que je traverse, de crise économique, éducative que traverse le pays et moi maintenant que je suis directrice d’école, j’expérimente ça d’une façon vraiment très précise, très réelle, je l’expérimente. 

Cela incarne un peu ce que je vis. »

4ème question : Quelle source nourrit votre engagement ? Votre amour de vos frères ?

« Ma seule source qui alimente mon amour pour mes frères et mes sœurs, c’est la parole de Dieu, à travers la Sainte Ecriture et les enseignements de Jésus que je médite chaque jour et j’y trouve une orientation très claire de la manière dont je suis appelée à aimer, à pardonner et à servir davantage. 

La Parole de Dieu est ma boussole qui essaie jour après jour, minutes après minutes de m’orienter toujours vers le Nord, vers Jésus-Christ, afin d’incarner dans ma vie, dans l’ici et le maintenant le Royaume de Dieu, dans les détails de la vie quotidienne. »

5ème question : Avez-vous une ‘recette’ pour transmettre le message de l’Évangile à des personnes qui souffrent tellement que parfois des considérations hautement spirituelles les dépassent ? Face à la violence ? Face à la haine ?

« C’est un défi mais ça c’est le génie du christianisme parce que l’Evangile c’est le regard d’amour de Jésus vers chacun de nous et surtout vers les plus pauvres, les plus démunis, ceux qui souffrent le plus.

C’est un regard d’amour, de réconciliation et d’espoir. 

Moi je trouve que ces gens ont besoin avant tout de ce regard du Christ qui traverse toute violence et la transforme en paix. Qui traverse toute situation de haine et la transforme en une oasis d’amour. 

Vraiment Jésus c’est le regard d’amour, de réconciliation et d’espoir envers chacun de nous. 

Devant ces situations, j’essaie d’écouter parce que ces gens ont besoin de parler et le fait de vivre à la ressemblance du Christ, d’aimer et de les regarder d’une façon, pas avec mes yeux mais avec les yeux du Christ parce que lui seul sait comment aimer et il nous apprend à aimer nos frères avec son amour. 

Devant ces personnes j’essaie d’être disponible, à leur écoute, disponible à écouter les dits et les non-dits, d’écouter leurs peurs, leurs tristesses et vraiment je prie beaucoup quand je suis devant une situation pareille je prie beaucoup pour mes sœurs et mes frères et c’est uniquement le Seigneur qui pourra faire des miracles et il fait les miracles dans notre vie. »

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