Syrie: Marc Fromager « nous ne les abandonnerons pas! »

– Vous vous êtes très récemment rendu à Alep avec un évêque Français… Quelle est la situation d’Alep ?

Alep demeure assez isolée. Pour y arriver, il faut vraiment le vouloir ! La route normale est toujours bloquée car trop dangereuse et il faut prendre une dérivation qui est très militarisée. La ville elle-même demeure extrêmement marquée par la guerre qui a duré plus de quatre ans à l’intérieur même d’Alep. Certains quartiers n’ont pas été trop affectés, même si les obus sont tombés un peu partout, mais d’autres sont littéralement rasés. Au pied de la citadelle, autrefois le centre touristique de la ville, c’est un spectacle apocalyptique qui se présente aujourd’hui aux très rares visiteurs.

– Certains chrétiens commencent-ils à revenir, ou à imaginer à nouveau un avenir dans la ville ?

Il semble que ce soit encore un peu tôt ! La bataille d’Alep a pris fin il y a 10 mois (décembre 2016) et la reconstruction est à peine entamée. Il y a eu un gros effort de déminage et de déblayage mais le chantier demeure titanesque avant de vraiment pouvoir envisager de retourner dans les quartiers détruits. La difficulté d’accès déjà évoquée n’aide pas non plus. Avec l’éloignement du front de la guerre, on estime que déjà 500.000 syriens sont rentrés en Syrie et on ne peut que s’en réjouir mais le retour à Alep est encore hésitant. Il faut dire que l’électricité n’est revenue que très récemment et cela va sans doute accélérer le mouvement. Les prêtres et religieuses qui sont restées sur place au service de la population, alors qu’ils auraient pu partir, espèrent bien sûr que la majorité des chrétiens reviendront mais rien ne permet pour le moment d’en être certain.

– Pourquoi était-ce important d’y aller avec un évêque Français ?

En réalité, Monseigneur Aumônier (l’évêque de Versailles) souhaitait se rendre en Orient pour manifester son attachement et celui des fidèles de son diocèse aux Chrétiens d’Orient. Une sorte de parrainage spirituel s’était mis en place entre le Carmel d’Alep et lui et ce voyage fut également une action de grâces pour ce lien qui devenait ainsi plus concret. Ce fut un très beau moment et les Carmélites très émouvantes et je crois émues ! Elles sont restées sous les bombes quotidiennes pendant plus de quatre ans et ont partagé le peu qu’elles avaient pendant tout ce temps, au risque de leur vie. Elles n’ont jamais été visées directement mais elles ne comptent plus les éclats d’obus et les balles perdues qui ont touché le monastère. Au-delà de son propre diocèse, c’était sans doute également l’Eglise en France que Mgr Aumônier représentait symboliquement lors de ce déplacement. Les Syriens dans leur ensemble font la part des choses et savent que la politique étrangère et la population françaises ne sont pas à confondre. Néanmoins, cela va toujours mieux en le disant et surtout en prenant la peine de se rendre sur place, ce qui n’a pas manqué de toucher profondément toux ceux que nous avons rencontrés.

– Quel message vous demandent de transmettre ceux que vous avez rencontrés ?

On les sent un peu hagards, comme surpris d’être encore en vie et de ne plus entendre d’explosions en permanence. L’avenir demeure incertain, même si les signaux positifs sont bien plus nombreux qu’il y encore un an, mais aujourd’hui, il s’agit de reconstruire ! Reconstruire la ville mais aussi les ponts entre les gens, ce qui prendra sans doute plus de temps. Il y a les destructions à l’extérieur mais les blessures intérieures sont en réalité bien plus profondes. Plus vite la vie reprendra à Alep et plus vite ces blessures guériront. C’est la raison pour laquelle ils nous demandent de les aider à reconstruire. L’AED n’a cessé de soutenir les Chrétiens de Syrie (18 millions €) depuis le début de la guerre. Ce n’est pas maintenant que nous allons les abandonner !

Propos recueillis par Charlotte d’Ornellas