Après avoir visité vendredi 8 avril la ville syrienne d’Al-Qaryataïne, récemment libérée du joug de l’État islamique, Sa Béatitude le patriarche syriaque orthodoxe Ignace Ephrem II Karim témoigne à l’AED de son ressenti sur la situation actuelle en Syrie.

source: syriacchristianity.infoLe primat de l’Église syriaque orthodoxe, dont la résidence se situe à Damas, a témoigné à l’AED vendredi 8 avril  combien il se réjouissait que Daech ait été chassé d’Al-Qaryataïne envahie au mois d’août 2015. « C’est certainement une évolution encourageante. Mais les habitants qui s’étaient enfuis ont pleuré en voyant ce qu’était devenue leur ville. En tant que berger, il m’était particulièrement douloureux de voir ces larmes. » Selon le patriarche, l’infrastructure a été gravement endommagée. « Lorsque je me suis rendu dans la ville vendredi avec nos frères catholiques, j’ai été choqué par l’ampleur des ravages. Beaucoup de maisons ont été entièrement détruites par les combats ou très gravement endommagées. Les meubles et autres objets ont été volés », affirme le chef de l’Église syriaque orthodoxe. « C’est particulièrement douloureux de voir que l’État islamique a délibérément profané les églises, comme le monastère syriaque catholique de Saint Élie, et notre église syriaque catholique. »

Le patriarche a souligné que sa visite effectuée vendredi conjointement avec les catholiques est un signal important. « Par les temps actuels, nous autres chrétiens devons unir nos ressources. Daech veut tous nous tuer, quelle que soit l’Église à laquelle se rattache un chrétien », ajoute Mgr Ignace Ephrem.

Influence wahhabiste

Le patriarche a souligné que les Syriens avaient beaucoup d’expérience de la cohabitation des religions. « En Syrie, la guerre n’existait pas entre chrétiens et musulmans. Nous sommes aujourd’hui en présence de terroristes majoritairement étrangers, qui viennent ici pour combattre dans le djihad. Certes, il existe entre-temps aussi des Syriens qui se sont ralliés à l’idéologie djihadiste. Mais ses idées viennent de l’extérieur, surtout d’Arabie Saoudite et du wahhabisme de ce pays. C’est pourquoi je ne considère pas que la réconciliation entre les Syriens de différentes confessions soit le problème. Cette réconciliation est possible. Car de fait, malgré maintes difficultés, également avant la guerre, nous avons vécu ensemble dans la paix en Syrie. C’était la Syrie que nous connaissions. » Au vu des efforts menés par les Nations Unies pour générer une solution politique du conflit grâce à des négociations entre le gouvernement syrien et l’opposition, le patriarche a dit : « Si nous autres Syriens pouvions régler les affaires entre nous, je pense qu’il n’y aurait pas de problème. Mais nous ne sommes pas naïfs. Les difficultés d’une solution politique du conflit résident dans le fait que des intérêts autant régionaux qu’internationaux se heurtent en Syrie. C’est ce qui rend les choses aussi compliquées. » Sa Béatitude Ignace Ephrem II Karim se montre sceptique quant aux représentants de l’opposition syrienne qui négocient avec le gouvernement syrien à Genève. « Bien entendu, j’espère que ces négociations aboutiront. Mais l’opposition là-bas n’a pas beaucoup d’adhérents ici même, en Syrie. En outre, elle compte beaucoup d’islamistes. Ni nous, les chrétiens, ni d’autres ne veulent vivre sous la domination islamique. »

40 % des chrétiens sont partis de Syrie

Le patriarche part du principe qu’entre-temps, environ 40% des chrétiens de Syrie ont quitté leur patrie pour s’enfuir dans les pays voisins ou en Occident. « Je ne me fais pas d’illusions. La plupart d’entre eux ne reviendront pas. Si ça continue comme ça, nous, les chrétiens, disparaîtrons de Syrie, comme nous avons presque entièrement disparu de Turquie et d’Irak. » C’est la raison pour laquelle le patriarche rejette une immigration des chrétiens encouragée par l’Occident. « La meilleure voie pour nous soutenir, c’est de nous aider à pouvoir rester ici, dans notre patrie. Émigrer en Occident n’est pas une solution. Ce n’est pas une bonne expérience que d’être un réfugié en Europe. Sur le plan culturel, on est déraciné. Ce n’est bon ni pour les réfugiés ni pour les sociétés qui les accueillent. » Le patriarche explique qu’il existe des lieux de refuge sûrs pour la population, en Syrie même, autant que dans les pays voisins. « Pour l’Europe, ce serait beaucoup moins cher d’aider nos gens à rester en Syrie ou à vivre provisoirement au Liban ou autre part. Il est important d’appuyer les projets de l’Église sur place. Nous sommes très reconnaissants à l’AED d’opter pour cette voie et d’aider la population sur place. J’espère que plus d’organisations encore suivront cet exemple. »

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