Un imam soutient des infirmières chrétiennes accusées de blasphème

Au Pakistan, des chefs religieux musulmans ont pris le parti de chrétiennes accusées de blasphème, désamorçant ainsi un conflit qui risquait de déclencher des émeutes nationales et une crise diplomatique internationale.

Le Père James Channan a fait l’éloge de l’imam Allama Muhammad Zubair Abid et d’autres hauts responsables qui ont refusé de soutenir les infirmières musulmanes de l’Institut de santé mentale du Pendjab, à Lahore, qui avaient accusé trois de leurs collègues chrétiennes d’avoir insulté l’islam à travers les médias sociaux.

Sakina Mehtab Bibi, Jessica Khurram et Treeza Eric ont été accusées à propos d’une vidéo mise en ligne sur un groupe WhatsApp d’infirmières. Dans cette vidéo, elles auraient critiqué la réaction du gouvernement d’Imran Khan à une motion de l’UE qui soulignait les violations des droits de l’homme au Pakistan, et demandé à la Commission européenne de retirer au pays ses privilèges commerciaux.

Une vidéo met le feu aux poudres

Le message, apparemment enregistré par un individu non identifié en France, critiquait notamment la mise en œuvre par le pays des lois controversées sur le blasphème et soulignait le rôle joué par le Tehreek-e-Labbaik Pakistan, un parti politique religieux controversé.

Lorsque la nouvelle du message WhatsApp s’est répandue, des infirmières et auxiliaires médicaux musulmans ont organisé une manifestation contre leurs collègues chrétiens, en défilant sur le campus et en criant des slogans islamistes.

Des infirmières chrétiennes auraient été menacées, certaines auraient subi des pressions pour se convertir à l’islam et les trois accusées auraient été obligées de se cacher, craignant pour leur vie.

Chapelle confisquée

Khalida Suleri, directrice des soins infirmiers, ainsi que ses partisans, ont exigé que la chapelle de l’institut soit transformée en mosquée – ils sont rentrés dans la chapelle, y ont récité la prière islamique Na’at et ont confisqué la clé de la chapelle.

Les infirmières chrétiennes effrayées ont fait appel au Père Channan, directeur du Centre pour la paix de Lahore, qui, sentant l’ampleur de la crise potentielle dans ce qui est décrit comme le plus grand centre psychiatrique d’Asie du Sud, a demandé l’intervention de Zubair Abid, vice-président du Conseil des oulémas du Pakistan – un organisme d’érudits musulmans.

Après avoir écouté les deux parties au conflit, Zubair Abid, qui est également président de la fondation pakistanaise pour la paix, a déclaré que les infirmières chrétiennes n’avaient pas commis de blasphème.

Réconciliation

Une audience ultérieure a eu lieu à l’institut et a réuni des représentants des gouvernements fédéral et provincial du Pakistan, dont Shunila Ruth, secrétaire parlementaire pour l’Harmonie interreligieuse et le Dr Nausheen Hamid, secrétaire parlementaire pour le Ministère de la Santé, ainsi que des infirmières chrétiennes et musulmanes, des chefs religieux de l’Église et des policiers.

Lors d’une réunion de suivi, vendredi 8 mai, le Père Channan a décrit ce qu’il a appelé une « réconciliation », qui a eu lieu dans la chapelle.

S’adressant ensuite à l’œuvre de bienfaisance catholique « Aide à l’Église en Détresse », le Père Channan, directeur du Centre pour la paix de Lahore, a déclaré : « M. Zubair Abid a joué un rôle vital dans le désamorçage de la situation qui aurait pu aisément dégénérer et provoquer des émeutes dans différentes parties du pays ».

Rendant hommage à l’implication de hauts responsables civils ayant contribué à la réconciliation, dont beaucoup de musulmans, y compris le Dr Muhammad Ashraf, directeur de l’institut, le Père Channan a déclaré : « C’est la preuve que Dieu fait des miracles. Nous en faisons l’expérience dans nos vies – des ennemis peuvent se réconcilier ».

Cet incident est le dernier d’une série d’allégations de blasphème contre des infirmières chrétiennes au Pakistan, dont une le mois dernier lorsque Mariam Lal et Navish Arooj ont été accusées d’avoir déchiré un autocollant contenant des versets coraniques dans un hôpital de Faisalabad. Fou de rage, un jeune homme aurait réagi en poignardant l’une des infirmières au bras.