Le nouveau président chilien Gabriel Boric affiche un retour de l’État providence et une politique sociétale de gauche. Il prend les rênes d’un pays en pleine crise sociale.

L’église de l’Assomption a Santiago complètement saccagée lors des manifestations

Après l’élection triomphale de Gabriel Boric le 19 décembre dernier, la Conférence épiscopale chilienne a félicité le nouveau Président : « Le pays vous a accordé sa confiance et vous confie une grande mission, destinée à diriger le destin de notre pays en tant que première autorité et premier serviteur ». Le communiqué assurait aussi : « Comptez sur notre soutien et nos prières, ainsi que sur la contribution de notre action pastorale ». Mais au-delà, certaines exigences ciselées ont toutefois filtré hors du champ feutré souhaité par l’épiscopat chilien. L’archevêque de Concepciòn, Mgr Fernando Chomali a ainsi voulu que soit reconnus et valorisés « l’âme religieuse du peuple chilien… l’immense travail accompli par l’Église et tant d’autres institutions… et la famille en tant que lieu où les gens apprennent à grandir. » Une déclaration qui laisse entrevoir la crainte d’une partie des Chiliens de voir le Président tourner le dos au christianisme qui imprègne la société chilienne. Favorable à la légalisation de l’avortement, qui est pour l’heure réservé à des cas critiques au Chili, il s’est aussi prononcé pour « l’avancée des droits LGBT » durant la campagne électorale.

Changement de génération

À l’instar de son jeune président, une partie de la nouvelle génération chilienne serait vraisemblablement plus détachée du fait religieux que ne l’ont été ses aînés. Plusieurs observateurs sociologues et journalistes de renom locaux s’en font d’ailleurs l’écho comme Florencia Varas, ex correspondante du Times et du Sunday Times au Chili qui a pu écrire que la plupart de ces générations nées à partir de 1974 n’appartiennent à aucune religion organisée et ne s’y intéressent pas. Pour autant, au cœur des événements de 2019, l’Église a été victime de comportements extrêmes dirigés contre ses édifices. Le rapport sur la Liberté Religieuse publié par l’AED en avril 2021 a ainsi mentionné qu’une soixantaine d’églises et de temples chrétiens ont été vandalisés au Chili depuis octobre 2019. Des actions de choc qui sont allées parfois jusqu’à la destruction par le feu de certains lieux comme l’église de l’Assomption à Santiago du Chili.

Une reconquête qui s’impose

Pour l’heure, le pays semble avoir recouvré mesure et apaisement. Une assemblée constituante spécialement désignée s’affaire à la « rédaction » de la nouvelle Constitution. Le projet devrait être soumis à référendum fin juin 2022. À ce propos, Claudio Fuentes, professeur de sciences politiques à l’université Diego Portales, a indiqué à nos confrères de FranceTVInfo que la nouvelle Constitution devrait être « plus proche d’un modèle social-démocrate avec un État plus fort, plus de droits sociaux, une reconnaissance des droits des peuples autochtones, le droit au logement, qui n’existent pas dans la Constitution d’aujourd’hui et puis probablement les droits de la nature et des animaux. » Une volonté d’inclusion sociale qui s’inscrit dans la dimension de justice et de fraternité souhaitée par l’institution ecclésiale. Les mois à venir seront sans doute l’occasion, tant du côté des représentants de l’épiscopat que de celui du président élu, de jauger les zones de flexibilité et les points de tension des uns et des autres. L’appel potentiel à un bouleversement de l’institution du mariage et de la représentation des minorités, auquel n’est pas indifférent le nouveau président, pourrait ainsi attiser les frictions. La montée en puissance des accusations portées contre le comportement de représentants religieux en matière d’agression sexuelle et la manière dont l’Église chilienne assumera sa part de responsabilité au-delà de gestes forts comme la démission de 34 évêques en 2018, sera sans doute un autre marqueur des temps à venir. La reconquête et finalement la cohésion politique, sociale et religieuse du pays est sans doute à ce prix. 

Bertrand Gardère

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