Mgr Dabiré, évêque de Dori et président de la conférence des évêques du Burkina-Niger a vu sa société changer radicalement en une dizaine d’années. L’expérience qu’il livre à l’Aide à l’Église en Détresse illustre le mal qui ronge le Sahel.

L’évêque de Dori, qui réside au milieu d’une région particulièrement visée par le terrorisme parle posément, presque avec douceur pour exposer la situation dramatique qu’il vit avec ses concitoyens. Pour que nous mesurions le drame qu’il vit, il tient d’abord à raconter à quoi ressemblait le pays avant la déferlante djihadiste.

Son Burkina-Faso « pays des hommes intègres » se situe au carrefour entre les pays verdoyants du sud, Côte d’Ivoire, Ghana, Togo, Bénin et ceux plus désertiques du nord, Mali et Niger. Cette position l’a amené à brasser des populations et des religions diverses. Les palabres entre communautés y avaient un rôle social capital. Quand un litige éclatait, il fallait que les parties prennent le temps de discuter et finissent par tomber sur un accord. Cette pratique était si répandue que les magistrats étaient menacés par le chômage : « L’herbe poussait au milieu des tribunaux », se souvient Mgr Dabiré.

Les familles, socles de la concorde

La coexistence commençait dans les familles. La plupart d’entre elles ont des membres de diverses religions. Cette coutume donnait lieu à des scènes étonnantes, ainsi, l’oncle de Mgr Dabiré, grand prêtre de la religion traditionnelle fut aussi celui qui le réveilla un matin pour qu’il se rende à la messe en lui disant : « Tu dois te lever et y aller. Je pense que si tu es chrétien, tu ne dois pas manquer la messe ». Chrétiens – protestants et catholiques – adeptes des religions traditionnelles et musulmans cohabitaient dans les familles. Mais les choses se sont mis à changer dans la dernière décennie. Les musulmans qui côtoyaient leurs proches d’autres religions ont modifié leur discours. Ils disaient : « Avant, nous ne comprenions pas l’islam. À présent, nous avons compris, nous ne pouvons plus vous fréquenter ». En rapportant ces propos, Mgr Dabiré insiste : « Ce qu’ils disaient-là était très grave, car chez nous, la famille est le socle de toute la vie sociale, elle passe avant les différences de religion. »

Explosion de violence

Peu après, la violence a éclaté, à partir de 2015. Des groupes djihadistes venus du Mali et des commandos de Boko Haram depuis le Niger ont mené une série d’attaques dans le but de terroriser la population. Ils visaient en particulier ceux sur qui reposent la société : les chefs religieux et les membres des administrations. Leur message était clair, selon Mgr Dabiré : « Si vous restez dans vos anciennes croyances, vous n’aurez pas la paix ». Au moins 12 000 personnes sont mortes dans ce conflit, et près de deux millions ont dû fuir leur terre. Celles qui ont dû s’exiler dépendent pour la plupart de l’aide alimentaire internationale, et survivent dans des conditions déplorables. « C’est une chose terrible de voir un homme fier, travailleur, attendre dans un camp de réfugié, la tête penchée, sans rien pouvoir faire pour se sortir de cette situation », témoigne l’évêque de Dori.

Une telle catastrophe n’arrive pas de nulle part, assure-t-il. Pour comprendre comment la société burkinabè a été réduite en morceaux, il faut regarder du côté des financeurs de l’islamisme, dans la Péninsule arabique. « De riches familles qataries et saoudiennes finançaient des mosquées chez nous, nous n’y voyions pas de mal », se souvient-il. Mais ces financements étaient accompagnés de formations données à des imams. Elles ont changé la compréhension qu’ils avaient de leur religion. Ces responsables religieux sont revenus en rejetant leur islam traditionnel au profit de la lecture salafiste, littérale, du Coran.

Malgré cette catastrophe, il constate que ses concitoyens chrétiens montrent un courage et une fidélité sans faille. L’évêque cite l’exemple d’un paroissien qui portait une croix et qui a été abordé par des hommes armés. Ils lui ont dit « enlève cette chose », mais il a refusé et a été abattu.

À son image, les chrétiens refusent de cacher leur foi et continuent à la pratiquer. « Ils vivent dans l’Espérance. Ils attendent que cette épreuve finisse », conclut Mgr Dabiré. « Ils sont édifiants. »

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