En 2023, ne fermons plus les yeux sur la persécution des chrétiens

De nombreux chrétiens sont toujours persécutés dans le monde en 2023…et souvent oubliés. Pour eux et leurs proches, c’est une double peine. Le 22 novembre, l’AED illuminera des bâtiments du monde entier pour alerter sur la persécution des chrétiens. Tour d’horizon des pays dans lesquels des persécutions graves ont sévi au cours de l’année 2023.

EN AFRIQUE

La situation sécuritaire s’est encore aggravée en 2023 en Afrique, les chrétiens demeurent des cibles privilégiées et vulnérables d’attaques de groupes armées. L’instabilité politique de certains pays du Sahel ayant connu des coups d’Etats (Burkina Faso, Mali, Niger, Tchad et Soudan) ne favorise pas l’organisation ni le renforcement de la sécurité face à la violence extrême. Outre les attaques de villages, de véritables blocus sont instaurés par les groupes djihadistes (Burkina Faso, Mali) isolant, appauvrissant et affamant même la population.   

Des Etats comme le Nigeria sont par ailleurs devenus quasi-défaillants puisqu’ils ne protègent pas la population lors des attaques de villages chrétiens par des groupes armés, en particulier dans le Nord du pays, et sont impuissants face aux milliers d’enlèvements qui ont lieu chaque année. Dans le nord à prédominance musulmane, les chrétiens sont par ailleurs confrontés à une discrimination « légalisée » en raison de l’interprétation de la charia.

Focus Nigeria : enlèvements et assassinats de prêtres et religieux catholiques en 2023

L’AED estime à ce jour que le nombre total de prêtres, de religieuses et de séminaristes enlevés en 2023 s’élève à 23. Les enlèvements continuent d’être la plus grande menace pour la sécurité du clergé et des religieux dans ce pays. Trois prêtres et un séminariste ont été assassinés au cours de l’année écoulée. Le dernier évènement datant de la nuit du 17 au 18 octobre dernier s’est achevé tragiquement pour le frère bénédictin Godwin Eze. Il a été enlevé par un groupe armé avec deux autres moines bénédictins lors de l’attaque de leur monastère d’Eruku, dans l’État de Kwara, au centre-nord du Nigeria. Si les deux postulants ont été libérés, frère Godwin Eze a, quant à lui, été froidement assassiné et « son corps sans vie a été jeté dans la rivière », a indiqué mardi 24 octobre le père Anselm Pendo Lawani, administrateur diocésain d’Ilorin.

EN ASIE

Dans ce continent, des pouvoirs nationalistes ethnoreligieux instrumentalisent la religion à des fins politiques par le biais de lois anti-conversion et anti-blasphème opprimant les minorités religieuses, dont la minorité chrétienne. Les tensions au sein de la population sont exacerbées et parfois extrêmes dans certaines régions de ces pays, provoquant des attaques contre la communauté chrétienne. C’est le cas en Inde, au Pakistan, au Bangladesh, en Malaisie et en Indonésie.

Certains régimes politiques totalitaires contrôlent leur population de manière à empêcher toute pratique religieuse autonome et imposent un contrôle total sur les cultes, comme en Chine, ou interdisent toute manifestation de foi, comme en Corée du Nord.

Enfin, la situation du Myanmar (Birmanie) inquiète tout particulièrement depuis la prise du pouvoir par la junte militaire en février 2021 qui fait des communautés chrétiennes des cibles de sa répression sanglante.

Focus Inde : conflit interethnique et interreligieux au Manipur

Le Manipur est une région du nord-est de l’Inde, à la frontière birmane. En mai 2023, selon les médias, au moins 185 personnes sont mortes et des dizaines de milliers de personnes ont dû quitter leurs villages dans ce qui a commencé sous la forme de combats interethniques entre la communauté majoritaire Meitei et les tribus minoritaires Kuki-Chin au mois de mai dernier.

Mais les émeutes ont pris une tournure interreligieuse, les Meiteis étant principalement hindous et les Kukis-Chins surtout chrétiens, dont environ 100 000 catholiques. Des centaines d’églises et de bâtiments ecclésiastiques ont été détruits, y compris ceux appartenant à des Meiteis chrétiens.

La position du gouvernement nationaliste hindouiste, majoritaire dans la région depuis 2022, a récemment été qualifiée de « connivence avec la communauté Meitei » par l’archidiocèse syro-malabare de Thrissur s’étonnant également du silence du Premier ministre indien Narendra Modi alors que plus de 300 églises ont été détruites.

Le nouvel archevêque du Manipur, Mgr Linus Neli nommé le 7 octobre dernier par le pape, a exhorté à « prier pour la paix » et pour que des « solutions durables soient trouvées ».

Focus Pakistan : L’attaque du quartier chrétien de Jaranwala

Le 16 août 2023, une quinzaine d’églises ont été attaquées et des centaines de maisons chrétiennes détruites après que des extrémistes musulmans se sont déchaînés au Pakistan dans un quartier chrétien dans l’est du pays, dans la ville de Jaranwala, au Pendjab, près de Faisalabad.

Les chrétiens constituent une infime minorité au Pakistan et font souvent l’objet de persécutions de la part de la foule. Les accusations de blasphème sont souvent invoquées dans ces situations, bien qu’elles se révèlent généralement fausses et sans fondement.

Selon le Rapport 2023 sur la liberté religieuse de l’AED, « plus de 49 % des cas de blasphème concernent des minorités qui ne représentent que 3,5 % de la population pakistanaise. Les minorités sont également surreprésentées dans les meurtres liés au blasphème et dans d’autres formes de violence. »

Focus Myanmar (Birmanie): l’attaque par la junte militaire du village de Chan Thar

Le dimanche 15 janvier 2023, la junte au pouvoir a incendié le village de Chan Thar, à majorité catholique, dans le nord-ouest du pays.

Des centaines de maisons ainsi qu’une église vieille de 129 ans -l’un des lieux de culte les plus anciens et les plus importants du pays- et un couvent de sœurs franciscaines ont été réduits à néant. Des milliers de villageois ont dû s’enfuir, leur village ayant été réduit en cendre.

Trois jours avant, un bombardement de l’armée birmane avait causé la mort de cinq personnes et la destruction de deux églises au village de Lay Wah, dans l’Etat Karen.

EN AMÉRIQUE CENTRALE

Dans ce sous-continent pourtant largement chrétien, la population chrétienne et l’Eglise sont parfois victimes de discriminations étatiques (Venezuela), de contrôles de la pratique religieuse (Cuba), voire d’une véritable persécution (Nicaragua). Par ailleurs, la violence des gangs et des narcotrafics cible les chrétiens et membres du clergé qui tentent de s’opposer à leur domination (Colombie, Mexique).

Focus Nicaragua : La répression contre l’Eglise catholique s’est aggravée en 2023

La dissolution des ordres religieux par le gouvernement dans le pays s’est poursuivie en 2023 sous des prétextes juridiques fallacieux : l’Ordre des Jésuites et l’Ordre des franciscains sont notamment concernés. Des comptes bancaires de prêtres, d’écoles catholiques et de paroisses ont été gelés afin de limiter leurs activités, sous le prétexte diffamant que l’Eglise catholique mènerait des activités de blanchiment d’argent et même d’actes de terrorisme à l’encontre du régime. Plusieurs prêtres qui s’étaient rendus à Lisbonne pour les JMJ au mois d’août dernier ont été refoulés à leur retour.

Mgr Rolando Alvarez, évêque de Matagalpa, après avoir de nouveau refusé l’exil, proposé cette fois à Rome et non plus aux Etats-Unis, reste en prison pour purger sa peine de 26 ans.

Les fidèles, quant à eux, restent sous la menace d’arrestations, ont été interdits de procession pendant la Semaine sainte et les étudiants catholiques privés de leur université

Focus Mexique : Assassinat du Père Javier Garcia Villafana, martyr de la violence

Le Père Javier García Villafaña, 60 ans, a été assassiné le 22 mai 2023 à Huandacareo, au nord du Mexique. Le curé de la paroisse de Santa Ana Maya a été retrouvé mort dans sa voiture sur l’autoroute Capacho-Cuitzeo, tué par balle. Le prêtre se rendait dans la communauté de Capacho à laquelle il appartenait. Le bureau du procureur général de l’État a ouvert une enquête pour élucider ce meurtre.

La Conférence épiscopale du Mexique a condamné l’attaque et l’a qualifiée d’« acte de violence qui a non seulement coûté des vies, mais qui menace également la paix et la justice de notre nation ».

Il s’agit du 9ème prêtre tué depuis décembre 2018, date de l’entrée en fonction de l’actuel président du Mexique, Andrés Manuel López Obrador. Une situation de violence qui perdure puisque ce sont plus de 70 prêtres qui ont été tués au cours de ces trois dernières décennies.

En Arménie, le 19 septembre 2023, l’Azerbaïdjan a lancé une opération militaire contre les Arméniens dans la région du Haut-Karabagh.

AUX PORTES DE L’EUROPE

Plus de 100 000 Arméniens ont été chassé de leur terre par l’Azerbaïdjan le 19 septembre 2023.

Focus Haut-Karabagh : Ilham Aliyev a fini par « jeter les Arméniens dehors comme des chiens »

Le Haut-Karabagh (ou Artshak) province du Caucase du Sud située dans la chaîne montagneuse du Karabagh, est une enclave disputée depuis des décennies entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie. Le précédent affrontement a eu lieu à l’automne 2020. Au terme de six semaines de combats faisant plus de 8000 morts, la Russie a arbitré une fin de conflit défavorable à la République d’Artsakh. Le président de l’Azerbaïdjan, Ilham Aliyev, s’était alors réjoui de cette « capitulation » affirmant qu’il avait « jeté les Arméniens dehors comme des chiens ».

Or, mi-décembre 2022, l’Azerbaïdjan a coupé la seule route reliant l’Artshak à l’Arménie, le corridor de Latchine, bloquant ainsi 120 000 Arméniens depuis lors. Ils manquaient de tout : nourriture, fuel, électricité, médicaments…et mouraient à petit feu.

Le conflit armé a repris le 19 septembre 2023, lorsque Stepanakert, la capitale du Haut-Karabagh, ainsi que d’autres villes de la région ont été ciblées par des « tirs intensifs » de l’armée azerbaidjanaise, provoquant l’exode massif de la population arménienne de l’enclave de plus de 100 000 réfugiés.

Dans ce conflit, le patrimoine religieux exceptionnel du Haut-Karabagh est également menacé par les Azéris qui ont déjà rayé de la carte le patrimoine chrétien du Nakhitchevan. Dans cette région annexée dans les années 1990, non seulement la population arménienne a été chassée, mais toute évocation de sa présence, y compris les églises et cimetières chrétiens multiséculaires, a été effacée.

L’AED, avec de nombreux autres observateurs, s’inquiètent pour le territoire de l’Arménie et notamment le sud, fortement menacée par l’armée azerbaidjanaise.

22 novembre : Illumination en rouge pour alerter sur la persécution des chrétiens

Pour alerter sur le sort de ces chrétiens persécutés dans le monde, l’AED illuminera en rouge des bâtiments et des églises dans le monde entier. En France, la basique du Sacré Cœur de Montmartre sera illuminée le mercredi 22 novembre ainsi que de nombreuses autres cathédrales et sanctuaires (Lourdes, Chartres, Bourges etc…)

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