Éviter la guerre ukrainienne

Malgré un contexte international tendu, les Églises catholiques d’Ukraine jouent les conciliatrices. Le Nonce apostolique et l’Archevêque majeur de l’Église catholique grecque témoignent de cette action dans un pays au bord du gouffre.

En ce mois de février 2022, les tensions qui secouent l’Ukraine continuent de monter en puissance. Aux déploiements de l’armée russe répondent les annonces des pays occidentaux. Et ces tensions dépassent largement le secteur ukrainien, analyse son Excellence Visvaldos Kulbokas, Nonce Apostolique en Ukraine, lors d’un entretien avec l’AED ce 4 février. « Comme par le passé, notre territoire est contesté. Et comme par le passé, nous sommes en proie à un conflit qui nous dépasse ! Il oppose l’OTAN, États-Unis en tête, et la Russie ».

Conflit sans frontière

En plus de s’étendre géographiquement, le conflit se déploie dans des domaines divers. Outre l’aspect militaire, bien connu et visible, il provoque une guerre de l’information, ou plutôt de la désinformation, qui atteint les deux camps. Chez les pro-russes comme chez les pro-occidentaux, l’exagération des menaces que représente l’autre camp participe au climat de peur. Les médias informels aussi bien que les officiels participent à cette escalade. Enfin, sur le plan économique, la Russie dispose d’une arme redoutable à l’encontre des Ukrainiens, car elle peut jouer sur le prix du gaz qu’elle fournit à ce pays. À l’inverse, le camp occidental peut jouer de sanctions économiques pour pénaliser le marché russe. Cet hiver, les Ukrainiens ayant de faibles revenus souffrent beaucoup de la hausse des prix du gaz.

Par ailleurs, la tension prend un aspect religieux. Il existe en Ukraine deux Églises orthodoxes concurrentes : l’Église autocéphale et l’Église dépendante du patriarcat de Moscou.

Dans ce contexte tendu, le Nonce assure que la petite communauté catholique a un rôle pacificateur à jouer. Il en veut pour preuve une expérience personnelle. Le 2 février 2022, il lui a été proposé d’introduire la Chorale de Noël qui se produisait à l’Institut coopératif de Kiev du Business et de Droit. Surpris par ce choix, il a demandé pourquoi on s’adressait à lui, dans la mesure où la très grande majorité des étudiants de cet Institut sont orthodoxes, ce à quoi le directeur de l’Institut a répondu : « Nos étudiants sont divisés entre Orthodoxes de l’Église autocéphale et de l’Église russe. Avec vous, nous avons un représentant de l’identité chrétienne Ukrainienne qui fait consensus ! »

« Culture de la brutalité »

Aux yeux de Mgr Sviatoslav Shevchuk, archevêque majeur de l’Église grecque-catholique, il ne faut pas exagérer les dissensions entre les deux Églises orthodoxes de son pays. « Ce sont des divisions de surfaces, qui sont exagérées par ceux qui veulent diviser l’Ukraine », dénonce-t-il. L’ennemi principal que doivent affronter les Ukrainiens, c’est une culture de la violence et non des hommes. Il témoigne de sa propre expérience : « J’ai été un soldat soviétique, dans une armée profondément marquée par l’histoire sanglante dans laquelle elle a été forgée; la guerre civile puis la Grande guerre patriotique [contre l’Allemagne nazie ndlr]. On y apprenait à frapper d’abord, à discuter ensuite, il nous faut nous débarrasser de cette mentalité, qui fait croire que la brutalité est la première solution à un problème. »

Sur le terrain, l’Église catholique participe à panser les plaies d’un pays qui connaît une guerre larvée depuis 7 ans. Dans les communautés catholiques qui résident dans les montagnes de l’Est du pays, en particulier, les chrétiens souffrent de pénurie en raison de l’état de conflit latent dans cette région. L’Église apporte un soutien d’urgence comme des banques alimentaires ou de l’assistance psychologique, grâce aux soutiens d’associations comme Caritas Ukraine et l’AED.