L’assassinat du président haïtien Jovenel Moïse, mercredi 7 juillet, intervient dans une situation tendue. Depuis Fontamara, dans la banlieue de Port-au-Prince, le père Jean-Jacques Cabioc’h témoigne.

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Valerian Mazataud/KEYSTONE

Né à Roscoff, en Bretagne, le père Jean-Jacques Cabioc’h appartient à la Société des Prêtres de Saint-Jacques. Du haut de ses 85 ans, c’est le doyen de la communauté et il a connu la « dynastie » des Duvalier (1957-1986), présidents autoritaires qui utilisèrent des milices privées, les tristement célèbres « tontons macoutes ». Pourtant, il affirme : « La situation est pire qu’au temps des Duvalier ». L’assassinat du Président Jovenel Moïse a plongé la population dans la stupeur. Elle a le sentiment qu’à présent, personne n’est intouchable, tout peut arriver.

Des gangs très visibles

« Plus personne ne sort de son quartier. Les Haïtiens vivent dans l’attente. Cela fait si longtemps qu’ils espèrent et craignent en même temps un changement. » Il décrit une situation d’abandon de la population. Des millions d’enfants n’ont pas été scolarisés cette année. Les services publics sont défaillants, les représentants de l’autorité officielle invisibles. À leur place, il y a les gangs. Très visibles, quant à eux. Le père Cabioc’h décrit : « Nous avons le quartier général d’un gang à 50 mètres de la maison de retraite Saint-Yves. Ils portent des armes de guerre en permanence. On les salue en passant et ils nous répondent. Ils nous protègent, quelque part, car sans eux un autre gang pourrait venir. Mais ils ne peuvent pas s’empêcher d’utiliser leurs armes. Certains jours, ils ne se passent pas 5 minutes sans qu’on entende une rafale ! Je ne comprends pas comment ils se procurent toutes ces munitions ».

Paroisse Saint Joseph de Carcasse, Haïti.

Le plus souvent, ces tirs intempestifs sont des exercices, mais les gangs se livrent aussi de petites guerres pour la possession des territoires, et les Haïtiens ne voient pas d’autorité s’opposer à ces déchaînements de violence.

Le fléau des enlèvements

Au temps des Duvalier, François et Jean-Claude, les prêtres avait conscience d’être sous pression. « Nos prédications étaient surveillées. Il y avait toujours un tonton macoute qui nous écoutait, on le reconnaissait à son costume. Mais le petit peuple haïtien n’avait pas à craindre les Duvalier. Ils s’attaquaient à ceux qui pouvaient représenter une menace pour leur pouvoir sans partage sur Haïti. »

Malgré cette situation difficile, les paroissiens se montrent actifs et fervents. La société Saint-Jacques reçoit même plus de demandes d’entrée au séminaire qu’elle ne peut en recevoir ! « On doit envoyer les jeunes ailleurs. Mais nous ne pouvons pas, avec nos moyens, recevoir tout le monde », s’attriste le père. Il rencontre d’autres difficultés temporelles qui en disent long sur l’état du pays. À la suite de l’enlèvement de sept religieux, dont le père Michel Briand, confrère du père Cabioc’h, la communauté n’a plus de véhicule. Par bonheur, les religieux ont été relâchés, mais leur voiture est restée dans les mains des ravisseurs.

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