Tony est un costaud peu dissert. Il pose avec une esquisse de sourire, qui n’altère pas l’austérité de son visage tanné par le travail aux champs, sous le soleil de Syrie.

Sa ville, Maaloula perchée sur les montagnes qui surplombent Damas accueille des pèlerins, attirés pour ses monastères antiques. De riches chrétiens damascènes y avaient leur résidence secondaire, avant-guerre, c’est-à-dire avant 2011. Ils échappaient, pendant les mois d’étés à la chaleur étouffante qui épuise Damas de juin à septembre. Maaloula était connue pour ses processions et ses églises, dont l’une possédait une cloche contenant un alliage d’or. Elle donnait un son très clair et aigu, que Tony a enregistré sur son portable et qu’il nous fait écouter. Le Syrien buriné frissonne : « Ce son me donne la chair de poule, avoue-t-il ».

Ce tintement si particulier ponctuait les journées de cet ouvrier agricole qui a toujours vécu à Maaloula, et qui y possède un lopin de terre. Les relations avec les voisins musulmans étaient bonnes. Même après 2011, les échos des révoltes qui secouaient les grandes villes du pays, Homs, Alep et Damas ne parvenaient que comme des rumeurs lointaines jusqu’aux montagnes de Maaloula.

Le sanctuaire des chrétiens attaqué

Une gigantesque explosion bouleversa ce sanctuaire un matin de 2013. Des terroristes ont fait sauter un véhicule chargé d’explosifs avant de parader à travers la ville. Lourdement armés ils l’occupèrent, assurant que les chrétiens n’avaient rien à craindre… Puis, 6 chrétiens ont disparu – on retrouvera leurs corps bien plus tard – d’autres ont été sommés de se convertir. Les hommes du Front Al-Nosra n’ont pas tardé à montrer leur vrai visage.

La petite ville de Maaloula est un lieu de pèlerinage pour les chrétiens de Syrie.

Avec ses voisins, Tony a préparé la riposte. Il a appelé son fils qui travaillait au Liban pour qu’il défende Maaloula. Ce dernier a traversé la frontière clandestinement avant de retrouver son père en faisant des détours pour éviter les terroristes. Les forces de défenses chrétiennes n’avaient ni le nombre ni l’armement pour en remonter aux djihadistes d’Al-Nosra. Mais l’Armée arabe syrienne se préparait à reconquérir le village et c’est là que les locaux, résolus à reprendre leur village se sont montrés indispensables. Ils ont guidé l’armée, utilisant leur connaissance parfaite de la région et se battant à leur côté en menant des opérations de guérilla. Le 15 septembre 2013, jour de la reconquête, Tony a dit à son fils : « Fais le signe de croix et invoque tous les saints, car il n’y a rien d’autre qui pourra nous protéger aujourd’hui ».

Son fils a été blessé dans la bataille, touché à la jambe par une balle. Mais il n’en garde pas de séquelle et vit à présent au Liban, où il est retourné pour son travail. À présent, Maaloula a retrouvé une partie de sa vie d’avant 2013. Les cloches sonnent à nouveaux ; sauf celle à l’alliage d’or, qui a disparu dans la tourmente de la guerre, emportée par les djihadistes. Mais la perte qui attriste le plus Tony est celle de la jeunesse, qui ne voit plus d’avenir en Syrie. « C’est notre plaie ouverte. Les jeunes s’en vont, et ils ne reviennent pas », conclut-il.

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