Le président Ortega a à nouveau critiqué l’Église, accusant le pape d’utiliser les évêques du Nicaragua pour réaliser un coup d’État.

Mgr Rolando Alvarez Lagos, évêque de Matagalpa, détenu par la police depuis le 19 août.

Depuis les manifestations pacifiques de 2018 violemment réprimées par le gouvernement Ortega, l’étau se resserre sur la population et notamment sur l’Église catholique. Le président Ortega a à nouveau, ce mercredi 28 septembre, critiqué l’Église lors d’un discours public pour le 43e anniversaire de la fondation de la police nicaraguayenne, accusant le pape d’utiliser « les évêques du Nicaragua pour réaliser un coup d’État ». Ce n’est pas une première.

Vendredi 19 août à l’aube, Mgr Rolando Alvarez, évêque de Matagalpa, était arrêté par la police avec huit autres personnes dont trois prêtres. Accusé d’activités « déstabilisantes et provocatrices », il a été assigné à résidence jusqu’à nouvel ordre. Dans le collimateur du gouvernement Ortega depuis plusieurs mois, l’évêque se battait – jusqu’à entamer une grève de la faim – contre le harcèlement de la police dont l’Église est victime au Nicaragua et demandait le respect de la liberté de culte. Cette arrestation sans précédent signe une étape de plus du déchainement des autorités contre l’Église. Deux autres prêtres et un missionnaire ont également été arrêté sans aucun motif.

Le 2 juillet dernier, le ministère de l’Intérieur du Nicaragua annonçait la fermeture de 101 organisations non gouvernementales, dont l’Association des Missionnaires de la Charité, fondée par Mère Teresa de Calcutta. Ces 18 religieuses, qui se consacraient aux soins des plus pauvres, disposaient d’une maison de retraite, d’une crèche pour les enfants de mères sans ressources et d’un foyer pour les jeunes abandonnés. À priori pas de quoi renverser le gouvernement sandiniste en cours. Et pourtant leur nom vient s’ajouter aux 758 autres ONG déclarées illégales sous la présidence d’Ortega.

Quelques jours plus tôt, le 28 juin, la société Telecable, qui diffusait les programmes du diocèse de Matagalpa et d’Estelí, était éliminée du réseau. Le 31 mai, Channel 51, une chaîne catholique, était retirée des programmes. Le 12 mars, le Nicaragua expulsait sans aucun préavis le nonce apostolique Mgr Waldemar Stanislaw Sommertag. Une mesure qualifiée par le Vatican de « grave » et « injustifiée » et qui « ne reflète pas les sentiments du peuple profondément chrétien du Nicaragua ».

Arrestations, expulsions, profanations d’églises, tortures…La liste s’allonge chaque jour depuis que l’ex-guerillero Daniel Ortega a brigué son 4e mandat en novembre 2021.  L’homme de 75 ans, qui avait déjà gouverné le pays entre 1985 et 1990, a été réélu après avoir bâillonné toute opposition. Avec son épouse Rosario Murillo, vice-présidente depuis 2017, il n’hésite pas à éliminer tous ceux qui entravent son chemin, y compris l’Église.

Cette hostilité contre l’Église s’est accrue de manière considérable depuis les manifestations pacifiques des Nicaraguayens contre la corruption, en avril 2018.

Évêques « putchistes »

Lors des violentes répressions qui ont fait plus de 355 morts, des centaines de disparus et des milliers de réfugiés, les églises avaient ouvert leurs portes tout en s’occupant des blessés et en réconfortant les proches des citoyens assassinés ou enlevés. Ortega a alors qualifié les évêques de « putchistes » (voir encadré). Pourtant, témoigne un prêtre qui préfère garder l’anonymat : « Vous ne pouvez pas rester les bras croisés quand des gens s’engouffrent dans une église parce qu’on est en train de les tuer ! ». Et de rajouter : « Nos églises sont devenues des abris, pas des centres de planification de l’opposition comme le gouvernement l’entend ».

Les Missionnaires de la Charité, expulsées du pays en juillet dernier

Depuis ces évènements, les hostilités contre l’Église, qui n’étaient alors que sporadiques, sont devenues monnaie courante. C’est ainsi qu’en moins de quatre ans, l’Église catholique au Nicaragua a subi plus de 190 attaques et profanations, selon le rapport « Nicaragua : Église persécutée ? (2018-2022) » de Martha Patricia Molina Montenegro, membre de l’Observatoire pour la transparence et la lutte contre la corruption.

L’avenir est donc sombre pour ce petit pays d’Amérique centrale. Pourtant l’Église sait qu’elle est victorieuse : « Au-delà des menaces de ceux qui détestent l’Église, il y a une main forte qui la guide et la protège » rappelle Mgr Silvio José Báez, évêque auxiliaire de l’archidiocèse de Managua. « La main de Jésus, qui soutient l’Église, est plus forte que les calomnies et les persécutions dont elle fait l’objet. N’ayons pas peur. Nous sommes entre de bonnes mains. »

Amélie Berthelin

Retrouvez cet article complet dans notre magazine L’Église dans le monde

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