Mgr Samson Shukardin, évêque d’Hyderabad et président de la Commission Nationale (catholique) pour la Justice et la Paix au Pakistan a fustigé un tribunal pour sa condamnation à mort d’un chrétien reconnu coupable de blasphème dans le cadre de l’une des pires atrocités contre les minorités de l’histoire du pays.

Le tribunal antiterroriste de Sahiwal vient de déclarer le 1er juillet Mr Ehsan coupable de blasphème, pour avoir partagé sur les réseaux sociaux des contenus jugés « insultants pour l’islam et son prophète ». Mgr Samson Shukardin, évêque d’Hyderabad et président de la Conférence épiscopale catholique du Pakistan, a qualifié de « très, très douloureux » le jugement rendu dans l’affaire Ehsan Shan.

Condamné à mort pour un « post »

Mr Shan, un homme de Sahiwal âgé d’une vingtaine d’années, n’a pas été accusé d’avoir profané le Coran mais d’avoir mis en ligne une image du texte sacré abîmé. Les informations faisant état de la profanation du texte ont déclenché une journée de violence en août dernier contre les chrétiens à Jaranwala, dans la province du Pendjab, où plus de 25 églises ont été incendiées et plus de 80 maisons chrétiennes saccagées. Reconnu coupable en vertu de nombreux articles du code pénal pakistanais, Mr Shan a également été condamné à 22 ans de « prison ferme » et à une amende de 1 million de roupies pakistanaises (3 335 €). 

Mgr Shukardin, président de la Commission Nationale pour la Justice et la Paix (NCJP) de l’Église catholique, a réagi : « Cette décision est très, très douloureuse pour nous. Beaucoup de gens sont déçus ». Il a appelé la communauté internationale à demander justice : « Les grandes ONG internationales et les organisations de défense des droits de l’homme devraient sortir et dire quelque chose qui s’oppose à cette décision. Cela aura un impact important sur le gouvernement ».

« Il est innocent »

Le père Khalid Rashid, directeur du NCJP pour le diocèse de Faisalabad, a déclaré : « [M. Shan] a partagé l’image avec une seule personne, mais l’image a ensuite été partagée par des milliers et des milliers de personnes, y compris des fonctionnaires tels que des membres de la police et du gouvernement. [M. Shan] est pointé du doigt. Il est pris pour cible. Nous condamnons ce jugement. Il est innocent parce qu’il n’a pas reçu une bonne éducation. Il est issu d’une famille très pauvre. Parfois, les gens ne comprennent pas ces choses – il n’avait aucune idée qu’en partageant ce contenu, il serait considéré comme blasphémateur. A l’époque [après l’atrocité de Jaranwala en août dernier], tout le monde a partagé la nouvelle ».

Le père Rashid a déclaré que le tribunal antiterroriste de Sahiwal avait subi des pressions pour rendre un verdict de culpabilité. Il a déclaré : « C’est à cause des terroristes, des extrémistes et d’autres groupes fondamentaux que ce jugement a été rendu. Ces groupes ont menacé le juge et c’est pourquoi il a prononcé ce type de jugement ».

Le prêtre a déclaré que le tribunal avait précipité sa décision, affirmant qu’il s’agissait d’un signe de pression indue. Le père Rashid a déclaré que lui-même et les avocats avec lesquels il travaille en étroite collaboration porteront l’affaire en appel devant la Haute Cour de Lahore.

Aggravation des persécutions

Le verdict du tribunal antiterroriste de Sahiwal contre Mr Shan s’inscrit dans un contexte d’aggravation des persécutions à l’encontre des chrétiens et des autres minorités au Pakistan. En août 2023, des dizaines d’églises ont été incendiées dans le district de Jaranwala. En mai dernier, dans la ville de Sargodha, au Pendjab, une foule de milliers de personnes s’est déchaînée, toujours en réponse à une allégation de blasphème. Ils ont lynché un homme de 73 ans, Nazir Gill Masih, originaire de Sargodha, qui a succombé à ses blessures. Quand la nouvelle de sa mort est tombée, les chrétiens terrifiés de Sargodha avaient déjà fui la ville en masse. Le mois dernier, deux musulmans ahmadis ont été tués par balle dans le district de Mandi Bahauddin au Pendjab.  Il a été affirmé que les responsables appartenaient au Tehreek-e-Labbaik (TLP), un groupe religieux et politique radical lié aux violences à Jaranwala et Sargodha. 

Mgr Shukardin précise que les musulmans sont également accusés de blasphème, mais ce qui rend ces allégations encore pires pour les chrétiens, c’est que lorsque des plaintes sont formulées à leur encontre, ce ne sont pas seulement des individus qui sont visés, mais leurs familles et des communautés entières. Mgr Shukardin a également souligné que, contrairement à l’affaire portée contre Mr Shan, il n’y a eu aucune condamnation contre les personnes impliquées dans les attaques contre les chrétiens à Sargodha et Jaranwala.

Il a déclaré : « L’un de nos chrétiens est condamné à mort, ce qui est injuste, alors que rien n’est arrivé aux autres accusés de crimes contre les églises et les maisons chrétiennes. Au lieu de cela, ces personnes sont petit à petit libérées ».

Selon l’avocat Akmal Bhatti, président de l’Alliance des minorités, à peine une douzaine des 135 personnes arrêtées par les autorités dans le cadre de l’atrocité de Jaranwala font l’objet d’un procès.

John Pontifex

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