Les chrétiens de Terre Sainte subissent depuis un demi-siècle les conséquences du conflit israélo palestinien. Non seulement leur nombre s’amenuise, mais ils tendent à être oubliés. Le père Firas Abedrabbo, secrétaire particulier du patriarche latin de Jérusalem, et Marie-Armelle Beaulieu, rédactrice en chef de Terre Sainte Magazine, font le point sur cette présence ancienne et aux formes multiples.

Marie-Armelle Beaulieu : Sur quel territoire s’étend le diocèse de Jérusalem ?

Père Firas : Le diocèse de Jérusalem est unique en son genre. Géographiquement, il est réparti sur 4 pays : Israël, la Palestine (Cis-Jordanie et Gaza), la Jordanie et l’île de Chypre.

Marie-Armelle Beaulieu : Que signifie « patriarcat latin de Jérusalem » ?

Père Firas : Il y a deux mots à expliquer. Patriarcat d’abord. Dès les premiers siècles, il y avait cinq patriarcats : Constantinople, Antioche, Alexandrie, Rome et Jérusalem. Le patriarcat désigne une église fondée par l’un des apôtres, dont l’évêque s’appelle patriarche. Selon la tradition, Jérusalem a été fondé par l’apôtre saint Jacques (le Mineur). Ensuite, on parle de patriarcat « latin », car au moment des croisades, il n’y avait plus d’évêque oriental, ce qui a poussé les croisés à installer un évêque latin, qu’ils ont appelé « patriarche ». Ce patriarcat latin de Jérusalem a disparu à la fin des croisades. Les franciscains ont assuré la présence latine jusqu’au retour du patriarche latin au 19ème siècle.

Marie-Armelle Beaulieu : Y a-t-il de même des patriarcats pour les non latins ?

Père Firas : Il y a treize églises officielles en Terre Sainte, mais seulement trois patriarcats : celui des grecs orthodoxes qui sont très nombreux, celui des Arméniens orthodoxes et le patriarcat latin. Les autres églises ont des vicaires patriarcaux ou des exarques.

Marie-Armelle Beaulieu : Voici les treize églises représentées en Terre Sainte : les grecs orthodoxes et les grecs catholiques dont la langue liturgique est traditionnellement le grec. Il y a les arméniens apostoliques (qui ne sont pas unis à Rome) et aussi les arméniens catholiques dont la langue liturgique est l’arménien. Nous avons également des syriaques orthodoxes, des syriaques catholiques dont la langue liturgique est le syriaque. Nous avons aussi des maronites qui sont des catholiques, dont les langues traditionnelles de liturgie sont l’arabe et l’araméen. Il y a aussi l’église qui vient d’Éthiopie : l’église tewahedo, qui est orthodoxe. Évidemment, il y a nos frères coptes qui sont cousins germains des éthiopiens. Seuls sont représentés à Jérusalem les coptes orthodoxes par leur exarchat patriarcal. (Des coptes catholiques existent aussi mais sans représentation à Jérusalem.) Leur langue de liturgie est le copte. Nous avons également des églises issues des réformes : luthériens et anglicans. Restent enfin les chaldéens, qui sont ici catholiques.

Treize églises représentées, donc.

Chrétiens éthiopiens orthodoxes lors d’une cérémonie religieuse au monastère éthiopien de Jérusalem (situé près du toit du saint Sépulcre)

Père Firas, cela fait beaucoup d’églises, beaucoup de confessions chrétiennes, pour combien de chrétiens sur ce territoire (Israël et Palestine réunis) ?

Père Firas : Il y a 130 000 chrétiens palestiniens, arabes de nationalité israélienne, présents surtout en Galilée et à côté de Tel Aviv, vers Jaffa sur une population de 9 millions en Israël. Il y a par ailleurs 40 000 chrétiens palestiniens en Palestine dont 1000 à Gaza (145 chrétiens catholiques romains les autres sont orthodoxes) sur 5 millions en tout. Notons que les chrétiens de Jérusalem sont 10000. Sur 14 millions d’habitants, il y a 7 millions de Juifs, 7 millions de musulmans en face de 180000 chrétiens locaux.

Marie-Armelle Beaulieu : Finalement, les chrétiens ne représentent que 2% de la population totale. C’est dire combien le christianisme est ici minoritaire. Pourtant, nous parlons ici beaucoup de chrétiens arabes. Termes quasi antagonistes en Occident. Il faut répéter que « arabe » n’est pas synonyme de « musulman », ça ne l’a jamais été. Il y a eu des chrétiens arabes avant que naisse l’islam. Père Firas, il y a une question qui généralement vous blesse de la part des occidentaux : quand on apprend que vous êtes arabe, on vous demande quand et comment vous vous êtes converti…

Père Firas : Oui, et il y a une autre question : « est-ce tes parents le sont aussi ? » C’est blessant parce que nous sommes chrétiens depuis toujours ! L’église de Terre Sainte existe sans interruption depuis le temps apostolique, c’est clair !

Basilique du Saint Sépulcre – Jérusalem

Marie-Armelle Beaulieu : Les chrétiens sont-ils persécutés en Terre Sainte ?

Père Firas : On ne peut pas parler de chrétiens persécutés, comme on le voit sous Daesh ou en Chine ou dans certains pays d’Afrique. Cependant, on est dans un état de détresse. Économique certes, surtout avec le covid, mais aussi nous connaissons une certaine détresse due à certains choix politiques. Nous subissons, comme nos compatriotes musulmans palestiniens, le même manque de liberté, manque de travail, le même manque de dignité humaine, parfois, causés par l’occupation israélienne. Je ne peux pas dire que nous soyons persécutés de la part des musulmans. Nous avons vécu ensemble depuis des siècles. Mais comme partout dans le monde musulman, on constate depuis les 20 ou 30 dernières années la montée d’un courant islamiste fondamentaliste. Ici, il ne dépasse pas souvent le stade du discours de haine envers les chrétiens. Il ne se traduit pas par des meurtres de chrétiens ou des incendies d’églises.  

Pour approfondir la situation en Terre Sainte, notamment sur la nature politique et territoriale du conflit israélo-palestinien, sur les conséquences du départ de Benjamin Netanyahu et l’arrivée de Naftali Bennett, mais également sur les relations entre catholiques et orthodoxes ou encore sur les perspectives d’un retour à la normale des pèlerinages en Terre Sainte rendez-vous sur l’entretien intégral. Les quelques moments où la liaison zoom avec Gaza (où se trouvait le père Firas) n’était pas correcte n’amoindrissent nullement l’intérêt de leur échange. Merci de votre compréhension !

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