Occupée par l’armée russe en mars 2022 puis reconquise par l’armée ukrainienne en novembre, la ville de Kherson compte encore 40 000 habitants qui ont survécu aux combats. Parmi eux, le père Ihnatij Moskalyuk et le Frère Pio sont restés envers et contre tout. Le père Moskalyuk, recteur du monastère Basilien Volodomyr  le grand et partenaire de projets de l’AED, témoigne :

Le père Ihnatij Mosklyuk dans une rue de Kherson, qui porte les stigmates de la guerre.

Comment votre vie a-t-elle changé depuis février 2022 ?

Il n’est pas facile de décrire comment ma vie a changé depuis le 24 février 2022. Depuis le début de la guerre, je suis conscient que chaque jour peut être mon dernier, et quand je m’endors, je ne sais pas si je vivrai pour voir le prochain lever de soleil. Et il en va ainsi, jour après jour.

Psychologiquement, au début, j’ai eu du mal à faire face à cette situation, mais ensuite j’ai commencé à demander au Seigneur, pendant l’adoration du Saint-Sacrement, de me donner une réponse. Et le courage a jailli de mon cœur, j’ai dit au Frère Pio, qui est resté ici avec moi tout au long de l’occupation, qu’à partir de maintenant, nous vivrions comme avant la guerre, c’est-à-dire en étant consacrés à la prière et à l’aide aux personnes restées à Kherson : les personnes âgées, les malades, les jeunes qui n’ont nulle part où aller et ceux qui ont été piégés à Kherson par la guerre. Nous ne pouvons pas abandonner ces gens.

Quel est l’impact de la destruction du barrage de Nova Kakhovka sur vous et votre environnement ?

Lorsque les médias nous ont dit que le barrage de Nova-Kakhovka avait été détruit et qu’à Kherson l’eau pouvait monter jusqu’à trois ou quatre mètres de hauteur, tout le monde a eu peur. Qu’allait-il se passer ? Quelles seraient les conséquences de l’inondation ? Mais nous avons fait face à cette nouvelle situation comme au début de la guerre : rien ne pouvait nous conduire à ne pas faire confiance à Dieu, Notre Seigneur. Nous avons donc commencé à vraiment faire confiance à Dieu, et à mettre entre Ses mains tout ce qui était en train de se passer et ce qui allait se passer après l’inondation.

La communauté du père Moskalyuk est devenue un havre de paix pour les habitants de Kherson.

C’était assurément terrible de voir de nos propres yeux des bâtiments emportés, des animaux noyés et des personnes prises au piège dans leur maison qu’il fallait secourir. C’était terrible, mais notre confiance en Dieu est restée inébranlable, tout comme notre confiance que le mal ne peut pas prévaloir et que Dieu notre Seigneur nous donne la force d’endurer, tout comme nous l’avons fait sous l’occupation. Grâce à cela, mon cœur était calme.

Avez-vous déjà pensé à quitter Kherson ?

Après neuf mois d’occupation, j’avais besoin de repos physique et spirituel, et quand j’ai dit aux habitants de Kherson que j’allais me reposer en Ukraine occidentale, je me souviens comment les fidèles m’ont regardé dans les yeux et m’ont demandé : « Vous reviendrez parmi nous, Père ? ». J’ai vu leurs visages et les larmes dans les yeux de ces gens, et je leur ai répondu : « Oui ! Je ne vous abandonnerai pas. Je resterai avec vous jusqu’à la fin, tant que ce sera la volonté de Dieu notre Seigneur. Tant que c’est Sa volonté, je resterai avec vous ». 

Combien de catholiques vivent encore dans la région de Kherson ?

Avant la guerre, notre paroisse était composée à 95 % de Grecs catholiques originaires d’Ukraine occidentale qui avaient été réinstallés ici après la Seconde Guerre mondiale. Il y avait aussi leurs enfants et petits-enfants, ainsi que ceux qui étaient venus ici pour étudier et qui étaient ensuite restés travailler. Seulement 5% d’entre eux étaient nés à Kherson. Le régime communiste a détruit la chose la plus précieuse dans le cœur des habitants de ces régions du Sud et de l’Est de l’Ukraine : la foi en Dieu. Mais maintenant, notre paroisse est composée à 97% de personnes originaires de Kherson, car avec la guerre, la façon de penser a beaucoup changé.

Que s’est-il passé ? Comment l’expliquez-vous ?

Lorsque notre monastère vient au secours des gens en distribuant de l’aide et en leur prêtant attention, ces gens sentent que nous les aimons, que nous les respectons et qu’ils sont importants pour nous. En conséquence, les gens commencent à réfléchir à leur vie et à se demander : « Pourquoi est-ce que je vis ici sur terre ? Qui est Dieu ? Qu’est-ce que Dieu a fait pour moi ? Comment puis-je le remercier et quelles conclusions en tirer ? ».

Baptêmes d’adultes à Kherson.

Les gens se posent ces questions et cherchent des réponses. Aujourd’hui, un grand nombre de personnes viennent dans notre monastère et nous demandent les sacrements du baptême, du mariage ou du pardon. Chaque jour, 25 ou même 30 personnes viennent à la messe et reçoivent la communion. Parmi elles, il y a des enfants, des jeunes… Cela nous remplit de joie. Le sacrifice que Frère Pio et moi avons fait pendant l’occupation porte maintenant ses fruits.

Que pouvons-nous faire pour vous aider, vous et votre communauté ?

En tant que religieux de notre monastère de Kherson, nous n’avons besoin de rien. Dieu merci, le monastère n’a pas été endommagé, il n’a pas été détruit. Tout fonctionne, nous avons de la nourriture, nous avons tout, Dieu merci. Cependant, j’ai de la peine pour les gens qui ont été privés de leurs maisons par la guerre, qui se retrouvent à la rue, sans toit au-dessus de leur tête. J’ai mal pour eux. J’ai également de la peine pour ceux qui sont restés chez eux parce qu’ils ne pouvaient pas partir, étant trop vieux ou faibles, ou parce qu’ils étaient alités à cause de la maladie, cela me fait mal.

Ils ont besoin de nourriture, de produits d’hygiène, de couches, de lessive… en effet, la nourriture est toujours accessible d’une manière ou d’une autre, mais tout le reste manque à Kherson. Néanmoins, je remercie Dieu pour tout. Certaines choses sont fournies par des bénévoles : quelqu’un donne quelque chose et nous pouvons donc en faire la distribution. C’est pourquoi je remercie tous ceux qui ont un cœur généreux et qui nous aident toujours. Et je remercie Dieu de permettre à nos mains d’être Ses mains, et de nous envoyer vers les gens qui en ont le plus besoin. Pour cela, je remercie Dieu. 

Je tiens tout particulièrement à remercier l’AED de nous avoir permis d’acheter une voiture. Un véhicule est indispensable à notre pastorale, surtout dans la situation actuelle.

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