Mi-mars, des cloches fabriquées en France sont attendues pour carillonner à Mossoul, six ans après la libération de la ville envahie par l’État islamique.

L’une des trois cloches destinées à Mossoul (crédit Unesco)

Les cloches s’appellent Gabriel, Michel et Raphaël et viennent de quitter la France ce 8 février en direction de l’Irak. Elles ont été moulées à la célèbre fonderie de Villedieu-les-Poêles et elles devraient arriver à temps pour sonner la Résurrection, pour la Pâques 2023, dans le couvent d’al Saa-a « Notre-Dame-de-l’Heure », à Mossoul.

En grande partie détruit par l’État islamique, le couvent des Dominicains se situe au cœur de la vieille ville de Mossoul. Construit au milieu de XIXe siècle, il a abrité la première école de filles en Irak, la première école d’institutrices ainsi qu’une imprimerie permettant d’éditer la première bible en arabe. Le campanile de son église (cloches et horloge d’une haute précision technologique à l’époque) avait été payé sur les deniers personnels de l’impératrice Eugénie. Convaincue que le temps est un don de Dieu, elle souhaitait que tous, quelle que soit leur religion, puissent se tourner vers cette même horloge. Jusqu’à une date récente, les Mossouliotes, musulmans comme chrétiens, se tournaient vers l’horloge de Notre-Dame-de-l’Heure pour régler leur montre.

Nettoyage ethnique

Mais l’église, comme le couvent, ont été ruinés par la guerre de 2014. Pendant trois ans, le couvent partage le sort de la ville, théâtre de violents affrontements entre les djihadistes et les forces loyales à Bagdad. Mossoul, l’ancienne Ninive, est devenue la capitale du nouveau califat érigé par l’État islamique en Irak. Les chrétiens, dont le nombre était déjà réduit à peau de chagrin depuis la guerre du Golfe, ont été soudainement chassés de leurs terres ancestrales, subissant un véritable nettoyage ethnique. Les musulmans, quant à eux, étaient soumis au règlement de l’État islamique, qui faisait respecter la charia à la lettre.

Printemps 2017, Mossoul est enfin libérée.  Mais dévastée. La vieille ville est en ruine. Le couvent, l’horloge et l’église saccagés. Les chrétiens reviennent au compte-goutte. À ce jour, on compte entre 50 et 100 familles chrétiennes à Mossoul : « Ce sont soit des pauvres, arabophones, qui ne peuvent plus se permettre le niveau de vie du Kurdistan, soit des étudiants qui rejoignent l’université de Mossoul reconnue pour son excellence, soit des fonctionnaires », confie un prêtre à Mossoul qui préfère rester anonyme.

Mission unique

Sur place, la vie reprend doucement. À l’image du couvent des Dominicains, Mossoul, la 2e ville du pays, se reconstruit. La multiplication des chantiers permet aux Mossouliotes de trouver un emploi et surtout, évite qu’ils ne soient recrutés par des milices qui rôdent, promettant monts et merveilles et alimentant la violence. Les musulmans, dont un bon nombre restent traumatisés par l’invasion de l’État islamique, veulent montrer aux chrétiens qu’ils n’ont rien à voir avec les « barbus ». La situation au quotidien est donc relativement stable pour le moment, même si elle reste extrêmement fragile. La rancœur de tant de violences subies de génération en génération reste encore vive. La litanie des nettoyages ethniques passés explique l’hémorragie vertigineuse des chrétiens dans le pays, passant d’environ 1,5 million avant 2003 (dont 35 000 à Mossoul) à moins de 150 000 aujourd’hui.

Le couvent Notre-Dame-de-l’Heure, à Moussoul (crédit Unesco)

Et pourtant, si la croix fait partie de cette terre, la Résurrection est elle aussi bien présente. « Les chrétiens ont à ce titre une mission unique », rappelle le père. Dans cette terre à l’histoire si riche abritant une diversité religieuse et culturelle foisonnante, les chrétiens sont appelés à être des passeurs de lumières, « ils sont comme le ciment qui unit une mosaïque ». Certains d’entre eux, dont les plus âgés, ont d’ailleurs cette nostalgie de l’époque où les chrétiens étaient des citoyens à part entière et jouaient pleinement leur rôle, habitant à côte des musulmans dans cette ville de Mossoul réputée pour son bon vivre ensemble. Ici pas de quartiers séparés selon les religions, comme beaucoup de villes de l’empire ottoman à commencer par Jérusalem.

Les cloches de Mossoul, en sonnant à Pâques, symboliseront donc cette unité souhaitée, ce désir de paix auquel beaucoup aspirent et rappelleront que derrière la croix, survient la Résurrection.

Amélie Berthelin

Article à retrouver dans notre magazine L’Église dans le monde, n°212, février-mars 2023

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