La Nouvelle-Guinée occidentale, séparée par la langue, la culture et la religion de l’Indonésie à laquelle elle appartient, subit un pillage implacable de ses ressources et de son identité.

L’évangélisation en Nouvelle-Guinée est un exemple d’inculturation réussie.

Cinq au lieu de trois ! Depuis le 30 juin dernier, le gouvernement indonésien a adopté une loi créant trois nouvelles provinces, la Papouasie centrale, celle du sud et celle des hautes montagnes qui s’ajoutent à la Papouasie et à la Papouasie occidentale déjà existantes. Sous couvert de développement économique dans cette région – une obsession notoire du Président Joko Widodo (dit Jokowi) réélu pour 5 ans en 2019 à la fonction suprême indonésienne – se joue une sombre entreprise de déprédation. Cette dernière passe par le remplacement et la conversion maligne d’un peuple majoritairement chrétien, les Papous, et par la spoliation et la surexploitation de leurs terres riches en ressources minières et forestières.

Évangélisation récente et rapide

Bien que de fortes traditions animistes demeurent, héritages des religions traditionnelles, la jeune Église catholique en Papouasie s’est rapidement développée depuis le Concile Vatican II. L’une des raisons de ce succès vient de l’attitude des missionnaires venus d’Europe et d’ailleurs (USA, Australie, etc.). Ils ont toujours accordé une attention particulière à l’inculturation du christianisme, au développement des interactions et au respect des différences. Les évêques indonésiens, quant à eux, sont plus enclins à ne pas laisser trop d’espace à l’inculturation en Papouasie, comme ils le font pour les catholiques vivant dans les autres parties de l’Indonésie.

L’Église catholique reconnaît la culture papoue : « Avant que l’Évangile ne vienne, Dieu a aussi parlé et parlé à travers la culture, les traditions, la langue du peuple papou » assurait feu le père Frans Lieshout, missionnaire franciscain en Papouasie. L’évangélisation a contribué à pacifier la société papoue qui a hérité d’une culture guerrière très active. Elle a aussi contribué à faire émerger une identité nationale papoue, qui transcende les intérêts des clans. Mais au sortir de la colonisation hollandaise, dans les années 1960, la Nouvelle-Guinée occidentale est tombée sous la domination indonésienne.

Cette annexion représente un cas d’école ! En 1969, le général-président Soeharto organise un « référendum » proposant le rattachement de la Papouasie Occidentale à l’Indonésie à 1026 papous. Ceux-ci, désignés comme « représentatifs du peuple papou » par le gouvernement indonésien, votent – sous pression – comme un seul homme pour l’annexion ! Depuis, les choses n’ont pas bougé. Pire, elles semblent devoir s’aggraver et s’envenimer. Quelque 5,5 millions de Papous principalement protestants et catholiques ne représentent que 2% des 273 millions d’indonésiens à plus de 80% musulmans. La religion est l’une des pierres angulaires de l’effacement en cours mais elle n’est pas la seule raison. La Papouasie sous peuplée, 13 habitants au km2 contre 140 dans le reste de l’Indonésie, est un ballon d’oxygène pour l’Indonésie. La nouvelle population vient notamment des îles surpeuplées de Java et Sulawesi ce qui au passage accélère le basculement cultuel. C’est aussi une terre qui recèle des trésors miniers considérables (le gisement du Grasberg d’or et de cuivre pointe au troisième rang des capacités mondiales) exploités par Freeport Indonesia, une filiale d’une multinationale américaine qui depuis 1991 est détenue majoritairement par l’Indonésie. C’est encore un filon pour le groupe industriel Korindo, qui brûle des dizaines de milliers d’hectares de forêts primaires pour la seule exploitation de l’huile de palme dont l’Indonésie est le premier producteur au monde.

Écocide en marche

Dans ce contexte de pot de fer contre le pot de terre, les différentes organisations Papous tentent de faire valoir leur droit à l’autonomie et à l’indépendance dont elles ont été privées en 1969. Une résistance qui s’organise parfois violemment, mais qui témoigne d’une volonté farouche de faire valoir leurs droits. Ces organisations reçoivent le soutien du clergé papou, tandis que la hiérarchie ecclésiale se montre beaucoup plus pusillanime.

Elle évite de s’engager sur la voie politique qui risquerait de froisser le pouvoir, ce qui est reproché aux évêques. Lors de la célébration du 17 août de la fête de l’indépendance, les autels sont souvent décorés avec le drapeau de l’Indonésie, un affichage qui suscite des remous et offense certains catholiques papous.

Quant aux autorités indonésiennes, elles ignorent toutes les revendications. Le principal mouvement représentatif des Papous l’ULWMP (United Liberation Movement for West Papua) a été qualifié d’organisation terroriste par le ministre de la Défense (voir interview p. XX). Selon les sources les plus fiables, de 100 000 à 300 000 papous auraient été tués entre 1966 et 1998. Et aujourd’hui encore, l’Indonésie reste pointée systématiquement dans les rapports les ONG humanitaires et écologistes, certaines employant les termes de « génocide » et d’« écocide » pour décrire le comportement de l’administration dans les provinces papoues. Le gouvernement n’en a cure. Au contraire, le pays accentue la pression et les exactions renforçant la présence armée et policière sur ces territoires. La trans-Papua, saignée autoroutière qui traverse le territoire papou sur 4326 km exacerbe les affrontements. Vue par les autochtones, c’est un outil logistique au service de l’oppression et de l’envahissement. Et leur inquiétude grandit car d’ici quelques années, la démocratie indonésienne ne pourrait être de nouveau qu’un lointain souvenir. D’ores et déjà, 5 ministres du gouvernement Jokowi sont des hauts cadres militaires, sans compter la présence de plusieurs représentants d’un islam dur. Les gouvernements occidentaux, quant à eux, se montrent redoutablement bienveillants. Les enjeux géostratégiques pour contenir les velléités conquérantes chinoises, la vente d’armement et la cupidité savent s’accommoder, si nécessaire, des manquements graves à l’humanité.

Bertrand Gardère

Cet article a été publié pour la première fois dans notre magazine l’Église dans le monde d’octobre-novembre 2022.

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