Muhammad Kacé, youtubeur célèbre en Indonésie, est traduit devant la justice pour des propos qu’il aurait tenu contre l’islam. Son histoire fait les gros titres de la presse de l’archipel et pour beaucoup d’extrémistes il est devenu « l’homme à abattre ». Portrait.

Muhammad Kacé devant le tribunal, en mars 2022. crédit Firma Hukum Victoria

L’auditoire écoute attentivement la plaidoirie d’un homme sec, au cheveux gris, visiblement en mauvaise santé. Même les journalistes, venus nombreux, se font discrets. L’accusé, parvenu à la barre en boitant, prononce : « Je suis désolé si mes propos ont choqué les musulmans. Mais je vous prie de m’appliquer une peine proportionnelle à ma faute ». La juge elle-même semble émue par les souffrances qu’a endurées Muhammad Kacé, ancien clerc musulman, converti au christianisme puis vedette des réseaux sociaux grâce à ses vidéos consacrées à son ancienne religion.

Torturé en prison

Ce sont elles qui lui valent son jugement. L’une d’entre elle, en particulier. Il y a moins d’un an, il dénonçait le Kitab Kuning ou « livre jaune », utilisé au sein des écoles coraniques de son pays. Dans ce livre émaillé de versets du Coran et de hadith, il relevait des appels à la violence contre les « mécréants », autrement dit les minorités religieuses indonésiennes. Un texte dangereux dans un pays où 80% des habitants sont musulmans, et où les minorités sentent la pression grandir. Il n’y avait, dans sa vidéo, rien d’insultant ni de blasphématoire à proprement parler, mais il appuyait là où la société indonésienne a mal. Sur l’islamisation de la jeunesse, par le biais des écoles coraniques.

Convoqué, emprisonné, Muhammad Kacé s’attendait à un procès, mais pas à voir débarquer dans sa cellule un groupe de codétenus mené par un général de police qui l’ont torturé de façon innommable. La photo de Muhammad Kacé, le visage tuméfié, a fait la Une des magazines du pays, provoquant une polémique sur le sort des « blasphémateurs ». Certains Indonésiens prennent sa défense ; d’autres trouvent au contraire la justice trop souple.

« Pendons le Kacé »

Cette audience n’a pas été troublée par les extrémistes musulmans qui, dans les séances précédentes insultaient Muhammad. Mais à présent, on les entend chanter dehors, sur la mélodie d’une comptine enfantine : « Pendons, pendons, pendons le Kacé ».

Par deux fois, l’accusé s’est évanoui pendant une séance au tribunal. Diabétique, il n’a pas bénéficié de traitement durant son emprisonnement. Il sourit malgré tout, quand il en a la force, et répète la salutation qu’il adressait à ses abonnés sur Youtube : Salam Sadar, mot à mot « salutation de conscience ». C’est-à-dire, que l’Indonésie reprenne conscience, qu’elle voie le danger d’un islam étranger, importé de la Péninsule arabique !

Cette alerte a grandi en lui alors qu’il était clerc musulman, et qu’il enseignait lui-même dans une école coranique. La conversion de son oncle Keling en 2002, qu’il a vu devenir chrétien puis être expulsé de son village, l’a bousculé. Puis la guérison inexpliquée de son père, grâce à la prière d’un chrétien, l’a convaincu de se faire baptiser en 2014. Ensuite, il s’est mis à prêcher, dénonçant l’islamisme radical arabe malgré les risques qu’il encourait. Fadila, elle aussi convertie et qui suivait ses vidéos avec passion constate : « Je l’ai mis en garde, mais il est trop passionné. Il n’accepte aucun compromis avec la vérité ». Le 6 avril, Muhammad a été condamné à 10 ans de prison, soit deux fois la peine maximale prévue pour blasphème dans son pays.

Sylvain Dorient

Retrouvez cet article et de nombreux autres dans notre magazine l’Église dans le monde.

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