Voyage du pape : L’autre face de l’Indonésie

Le voyage du Souverain Pontife a donné à l’Indonésie l’occasion d’offrir une image de tolérance et d’ouverture. Pourtant, le pays subit l’influence de l’extrémisme religieux, qui met à mal ses traditions d’ententes entre les différentes confessions.  

Début septembre, alors que le pape était accueilli à Jakarta, des manifestants brandissaient leurs panneaux devant l’ambassade du Vatican de la capitale indonésienne. Ils dénonçaient la situation de chrétiens traités en citoyens de seconde zone.

Un papou en costume traditionnel déclarait face aux caméras : « Nous autres chrétiens de Papouasie prions et espérons que le Pape François verra ce que souffre notre peuple. (…) Il faut qu’il se tienne à nos côtés pour nous sauver de l’extinction ». L’homme décrit, chiffre à l’appui, la vaste entreprise d’appropriation des terres ancestrales papoues par le gouvernement indonésien et le mépris dont souffre les peuples autochtones. 75 000 personnes vivent comme des déplacés internes et des opérations militaires continuent à se tenir dans les régions de Papouasie occidentales, dans un silence médiatique quasi général.

L’exemple du Timor Oriental

L’une des prochaines destinations du Pape François, le Timor Oriental, a de nombreux points de résonnances avec ces régions sinistrées. Comme la Papouasie occidentale, il s’agissait d’une région revendiquée par l’Indonésie, ce que refusait une grande partie de la population. Il s’en est suivi une guerre effroyable, pendant laquelle l’armée indonésienne s’est rendue coupable de nettoyage ethnique. Avec le soutien de l’ONU, le Timor Oriental a finalement accédé à l’indépendance en 2002, tandis que les militants papous ne voient aucune de leur revendication aboutir. L’exemple du Timor démontre que la mobilisation internationale peut pourtant porter des fruits. Mais ils ont le sentiment que personne ne les écoute et espèrent trouver leur salut du côté de l’Église.

Une autre face de l’Indonésie, l’évolution inquiétante de l’islamisme, risque, elle aussi, d’être occultée. L’image rassurante du pape cosignant une déclaration avec l’imam de la plus grande mosquée d’Asie risque d’occulter cette réalité.

Percée islamiste

Car s’il est vrai que l’archipel indonésien hérite d’une habitude de bonne entente entre les diverses communautés religieuses, il est vrai aussi que cette entente est menacée par la percée d’islamistes radicaux. Ils jouent un rôle important sur la vie politique. Ils donnent des consignes de votes qui sont très suivies et font pression sur les autorités pour faire avancer la cause de leur idéologie.

Sous leur influence, l’islamisme prend une coloration inhabituelle sur l’archipel. Les voiles ont fait leur apparition, puis se sont généralisés. Le volume des hauts parleurs de muezzins augmente… Et d’une façon plus dramatique, la justice indonésienne s’est mise à condamner des chrétiens pour « blasphème », une accusation qui n’avait pas court auparavant. Ils purgent des peines de prison ferme et l’un d’entre eux, Muhammad Kacé a été torturé pendant sa détention.

C’est cette face plus sombre de l’histoire récente indonésienne qui inquiète une partie des chrétiens indonésiens et que le pape François a évoqué lors de son discours du 4 septembre. Appelant à « contrecarrer l’extrémisme et aussi l’intolérance », il a dénoncé la tartuferie des extrémistes : « La foi en Dieu est continuellement mise au premier plan, mais souvent pour être malheureusement manipulée et pour servir […] à fomenter des divisions et à augmenter la haine ».

Par Sylvain Dorient

Pour plus d’information, retrouvez nos articles dans notre magazine l’Église dans le Monde.