Pratiquement ignorée par l’opinion publique internationale, une guerre civile sévit depuis le 27 septembre 2020 dans l’Artsakh entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Le 9 novembre 2020, les deux pays ont négocié un cessez-le-feu. 4 000 soldats arméniens morts, 90 000 déplacés et d’innombrables crimes de guerre. Une cruauté inédite est entrée à travers cette guerre dans ce très vieux conflit, engendrant une catastrophe humanitaire.

Une mère pleurant sur la tombe de son fils mort fin 2020, à l’âge de 20 ans et enterré au cimetière militaire arménien, à Yerablur, Erevan. Ce cimetière honore les soldats morts pour leur patrie durant la guerre contre l’Azerbaïdjan dans le Haut-Karabagh en 2020.

Actuellement, seulement environ 25 000 déplacés ont pu retourner sur leurs terres. Les autres, échoués en Arménie, luttent pour leur survie et pour se remettre sur pied.

Artachat, une petite ville à la jonction de l’Arménie, de la Turquie et de l’Azerbaïdjan. Nous avons laissé le centre-ville derrière nous. Nous empruntons une longue route gravillonnée et poussiéreuse. Elle semble mener nulle part. À droite et à gauche de cette route, il y a des installations abandonnées – des ruines industrielles datant de l’époque soviétique. Au bout d’environ cinq kilomètres, nous bifurquons vers l’une de ces fabriques. Tout au bout du terrain, nous apercevons une maison qui semble abandonnée. Mais cette première impression est trompeuse. À l’entrée, nous sommes accueillis par Lida, une femme blonde d’âge moyen. Elle a l’air fatigué, mais se réjouit autant de notre visite que sa belle-fille Mariam et sa petite-fille Nané. Tandis que Mariam prépare du café dans la cuisine provisoire, Lida nous raconte ce qu’elle a vécu l’année dernière.

Lida, une veuve chrétienne, institutrice pendant 22 ans dans le Haut-Karabagh.

« Nous avions une bonne vie dans l’Artsakh. Certes, je suis veuve depuis de nombreuses années, mais grâce à mon travail d’institutrice, j’ai bien pu subvenir aux besoins de mes deux fils. Nous avions notre propre petite maison et tout ce qui nous fallait. Tout a subitement changé lorsque mes deux fils de 22 et 24 ans ont rejoint l’armée l’an dernier, le 27 septembre, pour aller au combat. Quand les bombardements ont commencé, nous sommes donc restés seules avec ma belle-fille et la petite. Nous nous sommes tout d’abord réfugiées sous la table. Ensuite, avec un peu d’eau et de nourriture, nous nous sommes cachées dans la cave. Il n’y avait déjà plus d’électricité ni d’eau courante. Lorsque les anciens du village nous ont informées qu’il fallait que nous quittions le village, nous nous sommes d’abord enfuies à Berdzor, et au bout d’une semaine, des cars nous ont amenées en Arménie. Comme tout bagage, nous n’avions qu’une seule valise.

Nous avons d’abord pu nous réfugier chez des parents à Artachat. Mais cette situation ne pouvait pas durer, nous représentions une charge pour la famille. Depuis six mois, nous vivons donc ici. »

Elle nous montre son logement : tout est propre et bien rangé, mais ne comporte que le strict minimum, sans électricité et sans eau courante – « nous allons chercher l’eau une fois par semaine chez nos proches ». Un immense trou dans le plafond de la pièce permet d’apercevoir le premier étage. Pour se procurer les meubles nécessaires, la famille a fait un emprunt. « Et pourtant, dans l’Artsakh, nous devions encore rembourser le crédit pour la chambre d’enfant que nous avions demandé lorsque ma belle-fille était enceinte de Nané. La banque ne fait preuve d’aucune pitié. J’ignore absolument comment nous pourrons jamais y parvenir. »

Mariam regarde à travers le trou dans le sol du refuge pour réfugiés. En ce moment, toute la famille vit dans un refuge temporaire pour réfugiés avec un revenu minime dans une maison à peine habitable, à côté d’une usine désaffectée au milieu de nulle part.

Une aide de 150 dollars n’a été accordée que durant les quatre premiers mois. Les familles qui ont perdu un membre ont bénéficié d’un versement unique de 20 000 dollars. Heureusement, les deux fils de Lida sont revenus de la guerre. Elle raconte que l’aîné est toutefois sévèrement traumatisé et dans l’incapacité de travailler. « Au moins, le cadet a maintenant trouvé du travail dans une fabrique de conserves un peu plus loin en descendant la route. Mais il est mal payé, il n’a reçu son premier salaire qu’au bout de six mois. J’essaie également de contribuer un peu à notre subsistance en donnant des cours à deux élèves. »

Alors que Lida évoque sa maison de l’Artsakh, elle a les larmes aux yeux : « En fait, on attend de nous que nous retournions dans nos maisons – pour autant qu’elles ne soient pas détruites. Ce n’est pas sûr. Dans le doute, les soldats ‘ Mirotvorcy’ (la force russe ‘de maintien de la paix’), stationnés à la frontière, fermeront les yeux. Notre maison est occupée par des Azerbaïdjanais, qui en publient des posts sans aucune gêne sur Facebook. »

La perte de leur toit, de leur travail et donc de leurs moyens d’existence, les traumatismes subis, tout cela ne mine pas seulement Lida et sa famille, mais des milliers d’autres personnes qui sont dans une situation similaire.

Mariam avec sa fille Nané.

Comme souvent, c’est l’Église catholique qui soutient ces gens, lorsque les aides publiques ne fonctionnent plus. Elle s’occupe d’eux en apportant un soutien spirituel et psychologique pour surmonter les traumatismes, mais aussi de manière tout à fait concrète : là où des invalides de guerre ont besoin d’un logement adapté aux personnes handicapées, là où des familles peuvent améliorer leurs conditions de logement grâce à quelques réparations ou par exemple en installant une salle de bains pour ne plus être obligé de traverser la cour par des températures en dessous de zéro.

Étant donné que beaucoup de familles ont perdu du moins temporairement celui qui assurait les revenus du ménage (sauf s’il travaille en Russie, s’il est resté dans l’Artsakh ou suit un programme de rééducation médicale), l’Église apporte également son aide aux familles les plus nécessiteuses afin de pourvoir à leur subsistance eu égard au chômage croissant et à la flambée des prix dans le pays. Et, dans la mesure du possible, l’Église tente également de leur procurer du travail.

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